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Sauvegarde des prairies en régions sèches

par Jean-Paul Desimpelaere, le 30 janvier 2011

Si la Chine ne veut pas devenir dépendante d'une importation de viande, elle doit faire pousser de l’herbe. Ceci doit se faire sur les terres non arables  car, pour éviter de créer des déficits supplémentaires, chaque parcelle disponible doit être utilisée pour le riz, le blé, les fruits et le thé. Les prairies se situent donc principalement aux abords des déserts, au Xinjiang, au Gansu, au Qinghai, au Tibet et en Mongolie intérieure.

semi-nomades et troupeau de yack dans le Qinghai (photo JPDes., 2005)
semi-nomades et troupeau de yack dans le Qinghai (photo JPDes., 2005)

La Chine a pourtant besoin de ses éleveurs car ceux-ci s’occupent d’alimenter en viande plus d’un milliard de personnes. Il leur faut de vastes prairies avec des vaches, des yaks et des moutons. Les Chinois ne peuvent quand-même pas tous se balader dans les parcs des villes avec deux cochons au bout d’une laisse (ce n’est pas une plaisanterie : je l’ai vu de mes propres yeux) !

Cependant, les déserts ont tendance à s’étendre, comme vu dans d’autres articles (réchauffement climatique, sécheresse croissante et surpâturage), ce qui pose problème pour l'élevage. Il s'agit pour la Chine d'un de ses nombreux « problèmes prioritaires » à régler. Le gouvernement s’y atèle consciencieusement, chose que certains « observateurs de la Chine », ou « dissidents », omettent de signaler.

Le budget national a prévu 1,5 milliard d’euros par an pour la sauvegarde des prairies, ceci pour les cinq prochaines années (2011-2015). Cette somme ira d'une part aux projets de replantation, mais la plus grande partie va passer directement entre les mains des autochtones puisqu'il s'agit soit d’indemnisations soit de stimuli. On pourrait nommer cela une « démocratie par les finances ».

Une indemnisation de 10 euros par hectare et par an est octroyée aux familles qui doivent déménager (parfois temporairement) des régions où l’herbe ne pousse plus. Cela peut sembler peu, mais ce ne l'est pas si on sait qu'une superficie de pâturage est souvent de plus de 1000 hectares. Dans ces régions, le pâturage est désormais interdit et la replantation est en cours.

Des stimuli de 3 euros par an et par hectare sont donnés aux éleveurs actifs hors des zones interdites, ceci à condition d’avoir un troupeau durable, pas trop grand donc, en adéquation avec l’herbe à disposition. Un subside de 16 euros par an et par hectare est prévu pour les éleveurs qui désirent participer aux projets de replantation,ce travail étant plutôt pénible. Une partie du budget de 1,5 euros « pour la sauvegarde de l‘herbe » est destinée à la formation et à l’aide technique. En guise de signal général de soutien, environ 2 million de familles d'éleveurs recevront chacune une prime annuelle de 60 euros durant les 5 prochaines années.


Également intéressant à savoir : le citadin tibétain moyen achète 35 kg de viande par an et par personne, ce qui est inférieur à la moyenne chinoise. Cependant, il s'agit d'un chiffre pour une  petite ville et où une partie des citadins possède encore quelques animaux destinés à leur propre consommation, ce que ne révèlent pas les statistiques. Donc, en réalité, la consommation de viande est plus élevée. Ceci est encore plus évident pour la population agraire : les statistiques indiquent qu'un paysan moyen achète chaque année 15 kg de viande par personne. Quant aux éleveurs, ils n’en achètent pas évidemment, et pourtant ils ne mangent presque exclusivement de la viande. Invité à des repas dans des familles tibétaines, j’en vois qui dévorent plus de viande que ce que je pourrais manger en une semaine.

En bref, les statistiques sont utiles mais il faut savoir faire la moyenne de la moyenne.


En conclusion : la Chine a tout intérêt à devenir à moitié végétarienne. Bien sûr, c’est une bonne chose que les Chinois ne mangent pas trop de viande mais leur consommation augmente rapidement. En 1985, elle était de 20 kg par habitant, volaille comprise.

Aujourd’hui, elle est passée à 55 kg. En comparaison : un européen moyen consomme 90 kg de viande par an et un Américain , 120 kg par an (statistiques FAO).

 

Un petit marché de quartier à Lhassa (photo jpdes., 2005)
Un petit marché de quartier à Lhassa (photo jpdes., 2005)