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ChangTang, un parc animalier au Tibet, situé à 5000 m d’altitude

par Jean-Paul Desimpelaere, le 19 janvier 2009

Ci-dessous, quelques extraits d’un article de George B. Schaller (USA) de la Wildlife Conservation Society, paru dans le « China’s Tibet » de février 2008. Depuis 1985, Schaller sillonne « Changtang » pratiquement chaque année. Il dénonce des problèmes de « bon voisinage » entre l’homme et la faune sauvage.


Changtang est la plus haute partie du plateau tibétain, située à une altitude moyenne de 5000 m et couvrant 300.000 km², une zone presque aussi étendue que la France. Des animaux sauvages y vivent, des êtres humains aussi. L’équilibre entre les deux est assez instable.


Dans cette zone, là où auparavant ne vivait qu’une seule famille, sans aucun voisin à des kilomètres à la ronde, aujourd’hui onze familles y vivent, très proches l’une de l’autre. Ceci s’explique par l’augmentation de la population en général, mais aussi par la venue de Tibétains de régions avoisinantes de Changtang où les conditions de vie sont plus difficiles.
Dans le Canton de Palgon, par exemple, entre 1970 et aujourd’hui, le nombre de familles est passé de 90 à 137. Le bétail a également augmenté : de 45.000 têtes, il est passé à 79.000, ce qui a un effet déplorable sur les pâturages. Déjà maigres, celles-ci n'étaient broutés que durant une courte période d’été par quelques rares troupeaux en transhumance, alors qu'à présent ce sont des dizaines de milliers de bêtes qui se la partagent.


Schaller constate que les conditions de vie des éleveurs de bétail sont plus faciles aujourd’hui que fin des années 80 : ils possèdent une maison, parfois même plus d’une, roulent à moto ou en camion, regardent la télévision avec raccordement par satellite, se chauffent grâce à l’énergie solaire et préparent leur thé au beurre avec un mixer électrique, etc.


Quel impact cette soudaine augmentation de la population a-t-elle sur la faune sauvage ? Les visiteurs, peu nombreux, du début du 20ème siècle parlaient de dizaines de milliers d’antilopes (nommées « chiru ») ainsi que de centaines de yacks sauvages qu'on pouvait observer à flanc de colline. Bien que nous n’en soyons plus là actuellement,  Schaller constate que la vie sauvage n’est pas menacée d’extinction.


En effet, en 1993, l’entièreté du domaine a été reconnue comme zone naturelle protégée. Cela signifie que les animaux sauvages et domestiques doivent cohabiter, ce qui pose souvent des problèmes. Néanmoins, en 2006, lorsqu'il a sillonné le parc de Changtang d’est en ouest, Schaller a pu compter environ  8000 antilopes, 100 yacks sauvages, 800 ânes sauvages et 20 loups sur son trajet.

regardez bien : il y a des antilopes ! (photo JPDes., Changtang, 2007)
regardez bien : il y a des antilopes ! (photo JPDes., Changtang, 2007)


Schaller constate que l’ancien « système de communes populaires » qui gérait collectivement les terres convenait mieux pour préserver la vie sauvage. Pourquoi ? Parce qu'actuellement, des immenses pâturages de quelque 7000 hectares sont louées par famille de « rancher » (comme il les appelle) pour une durée de 50 ans. Ces pâturages n'appartiennent pas aux familles, mais c'est à elles à les gérer, d'où une tendance à délimiter ces terres par des fils de fer barbelé. Les autorités locales encouragent cette pratique en subsidiant les clôtures. Cependant, elles sont très mal reçues par la faune sauvage : yacks, ânes et antilopes voient disparaître l’herbe sous leurs sabots ! De plus, le « rancher » veut protéger « son » herbe et ses troupeaux et abat d’éventuels animaux indésirables. Sans parler évidemment de la tentation de tuer un yack sauvage pour sa viande !


La cohabitation avec les ours ne va pas de soi non plus. Ces derniers entrent sans vergogne dans les habitations, puisent dans les réserves d’orge et dévorent le beurre. La nuit, ils s’attaquent même aux moutons et aux chèvres. Les lynx et les loups sont aussi à l'affût d'un agneau ou d'un chevreau.


Il est donc assez difficile de protéger cette énorme réserve naturelle. Schaller suggère quelques idées, la première serait de limiter ou de diminuer le nombre de familles vivant sur la zone protégée, ce qui allégerait aussi la pression des troupeaux. Ensuite, il propose d’arrêter de construire des clôtures et des nouvelles routes, d’envisager chaque problème de manière locale et pas de manière uniforme, de tester et de soupeser différentes solutions et de ne pas se contenter de quelques-unes. Mais surtout de créer une gestion du parc animalier car, pour le moment, il n’existe aucune directive spéciale concernant cette région.


Par exemple, des braconniers se sont organisé pour chasser les antilopes, ils viennent surtout du Qinghai et opèrent la nuit. Selon le bourgmestre de Toiba (Barling) - près du grand lac de Chixiang et de la rivière Tsakya Tsangpo - les patrouilles de contrôle de la réserve naturelle ne disposent pas de moyens suffisants pour contrer ce braconnage de nuit. C’est d’autant plus grave que l’environnement du lac et de la rivière est connu comme étant le lieu où les antilopes viennent se reproduire et mettre bas. Il ne serait pas difficile aux autorités locales de mettre en application une législation stricte contre le braconnage et d'augmenter les subsides pour le contrôle de la région.

 

 chamane avec vraie peau de léopard (2005, JPDes.)
chamane avec vraie peau de léopard (2005, JPDes.)

   

dans une boutique du vieux Lhasa (photo JPDes., 2005)
dans une boutique du vieux Lhasa (photo JPDes., 2005)