Un auteur qui a déjà révélé la face « pas si zen du dalaï-lama » dénonce les fake news sur le Xinjiang
par Albert Ettinger, le 31 janvier 2021
Il faut avoir du courage pour affronter le tsunami de propagande antichinoise qui déferle actuellement sur le « Monde libre ». Assurément, Maxime Vivas n’en manque pas. Après s’être attaqué à Robert Ménard et ses « Reporters sans Frontières » 1) quand ils passaient encore pour des « combattants des droits de l’homme » quasiment intouchables, après avoir démasqué, ô sacrilège, « Sa Tartufferie » le dalaï-lama 2), voilà que cet auteur d’une vingtaine de livres et ancien référent littéraire d’ATTAC ose questionner les certitudes de nos journalistes « spécialistes » du Xinjiang avec un livre-essai dont le titre annonce clairement la couleur.
Ouighours – pour en finir avec les fake news 3), est d’abord un pamphlet lancé contre les journalistes qui oublient - ou qui violent délibérément - la « Charte de Munich ». Cette Charte, rédigée en 1971, est en quelque sorte la Loi fondamentale du journalisme. L’auteur la reproduit en entier, avant même de s’attaquer au vif du sujet. Elle demande aux journalistes, par exemple, de « respecter la vérité », de « publier seulement des informations dont l’origine est connue ou dans le cas contraire les accompagner des réserves nécessaires ». Elle leur prescrit de « ne pas supprimer les informations essentielles » et de « rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte ». Et elle enjoint aux journalistes de « ne jamais confondre » leur métier « avec celui du publicitaire ou du propagandiste ». (Pages 8-9)
Le code déontologique du journaliste trahi par des médias sous influence
Dans « nos » médias, enfreindre ce code déontologique semble devenu une règle plutôt qu’une exception. C’est ce que montre Maxime Vivas en livrant au lecteur, dès l’introduction du livre, un florilège des absurdités qu’on a pu lire dans la presse et sur les réseaux sociaux au sujet des Ouïghours et du Xinjiang chinois. Ces fake news sont rendues crédibles par le fait qu’elles peuvent compter sur le formatage préalable des esprits et sur l’ignorance du grand public, une ignorance soigneusement entretenue par nos médias. Comme le relève justement l’auteur en s’exclamant, sarcastique : « Voyez comme les citoyens français sont férus de géographie » ! Ne connaissent-ils pas, pour la plupart, tous les noms des différents États des USA ? Mais combien d’entre eux « peuvent citer » des régions du pays le plus peuplé du monde, à l’exception de « celles que nos médias nous invitent à regarder » à travers leur prisme déformant : Hong Kong, le Tibet, le Xinjiang et Taïwan ? Souvenons-nous dans ce contexte de Bernard Kouchner. Sa connaissance du monde, assurément bien au-dessus de la moyenne française (il a quand-même été Ministre des affaires étrangères sous Sarkozy) ne l’a pourtant pas empêché de confondre Ouïghour et Yoghourt !
Cherchez le motif et cherchez la source !
Dans la droite ligne de Bert Brecht qui souligne dans son Me Ti, le livre des retournements : « Dans toute idée, il faut chercher à qui elle va et de qui elle vient », l’auteur se penche sur le contexte et sur l’origine du « narratif » occidental à propos du Xinjiang.
Le contexte, c’est l’essor économique de la Chine et son influence croissante sur la scène internationale, deux choses qui déplaisent fortement à l’ « hégémon » US et à ses satellites les plus proches. Quant aux sources des fake news, ce sont la formidable machine de propagande américaine et ses nombreuses ramifications.
Maxime Vivas retrace donc méticuleusement les débuts de la campagne de propagande antichinoise à propos du Xinjiang. Une avocate US, une certaine Gay Johnson McDougall l’a déclenchée et a joué un rôle décisif. Elle est intervenue, le 13 août 2018, devant le Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU à Genève pour y affirmer que des « rapports nombreux et crédibles » faisaient état de détentions massives de millions d’Ouïghours dans le Xinjiang. Une « information » qui a été aussitôt reprise par l’agence de presse Reuters. Cependant, celle-ci ne l’a pas attribuée à une citoyenne américaine (qui n’est ni une porte-parole, ni même une fonctionnaire de l’ONU), mais à la prestigieuse organisation mondiale elle-même.
Depuis lors, nos médias « sérieux » ne cessent de répéter en boucle qu’ « En 2018, selon l’ONU, au moins un million d’Ouighours et d’autres minorités musulmanes étaient détenus arbitrairement dans des camps d’internement et de travail. » 4)
Les allégations de madame McDougall ont ensuite été corroborées par le « Network of Chinese Human Rights Defenders » et « Human Rights Watch », des officines dirigées et financées par le gouvernement américain et basées à Washington. Sur quoi ont débarqué les porte-voix médiatiques habituels ainsi que les « spécialistes », « enquêteurs » et « chercheurs indépendants » comme Ethan Gutmann, Adrian Zenz et le « think-tank » australien ASPI dont Maxime Vivas dénonce le parti-pris et les manipulations. Ce faisant, il n’oublie pas les incendiaires et prêcheurs de haine raciste, genre Clémentine Autain, qui appellent à une croisade au moins économique contre la Chine tout en bavant, via les réseaux sociaux, sur les Chinois qui « ne sont pas des êtres humains », mais « des barbares nazis » et des « Faces de citron ». (p. 127)
Témoins bidon, menteurs professionnels et suppôts du terrorisme…
Maxime Vivas évoque plus en détail le « cas de Zumret Dawut » qui a été au centre d’un « reportage » de la BBC, et celui du « criminel Enver Tohti » dont les auto-accusations, étrangement, n’ont donné lieu à aucune poursuite en justice.
Le cas de Zumret Dawut exemplifie la méthode générale du journalisme dépravé auquel on a affaire : reproduire les allégations de « témoins » sans les vérifier le moins du monde, sans enquête approfondie et sans jamais donner la parole à la partie adverse.
Quant à Enver Tohti, un médecin exilé aux USA, il a donné une longue interview sur Arte où il a « confessé » avoir prélevé des organes à un homme encore vivant et s’est qualifié lui-même de « criminel ». Son arrestation et une enquête criminelle auraient permis de tirer les choses au clair. Pourquoi lui a-t-on épargné cela, demande l’auteur, en rappelant qu’Enver Toti s’était rétracté et excusé par un tweet quelques jours seulement après avoir prétendu, sur les ondes de Radio Free Asia, que l’ambassade saoudienne était impliquée dans la vente d’organes halal.
Maxime Vivas ne se prive pas de décortiquer les « enquêtes » de Laurence Defranoux dans Libération et le fameux article d’Ursula Gauthier dans le Nouvel Obs, celui qui lui a valu d’être déclarée persona non grata en Chine pour avoir défendu et légitimé le terrorisme ouïghour. L’auteur constate à son propos : « Il y a quelque chose de glaçant dans cet article où il apparait que des ouvriers Han (chinois) qui extraient du charbon au Xinjiang (Chine) sans être originaires de cette région ne méritent pas plus de compassion (ou alors on a mal lu) que les ouvriers italiens victimes d’un pogrom meurtrier en 1893 à Aigues-Mortes, pour ne prendre qu’un exemple. » Pour celui qui ne sait pas de quoi on parle : « Le 18 septembre 2015, des extrémistes ouighours, armés de couperets et autres armes blanches, ont tué seize mineurs Han travaillant dans une mine de charbon à Baicheng, au Xinjiang, et ont blessé dix-huit autres », explique Maxime Vivas. Ursula Gauthier en revanche, loin de voir dans cet incident une attaque terroriste, avait banalisé (ou légitimé) ce massacre en le qualifiant d’ « explosion de rage localisée » et en écrivant : « Poussé à bout, un petit groupe de Ouïghours armés de hachoirs s’en était pris à une mine de charbon et à ses ouvriers chinois han, probablement pour venger un abus, une injustice, une expropriation… »
… contre l’ONU, la Banque mondiale et l’OMS
« L’ONU ne croit pas les médias », constate l’auteur en soulignant que les pays qui ont demandé à la Chine de « respecter les droits humains » au Xinjiang sont très minoritaires (39, c’est-à-dire les pays de l’OTAN et les plus proches alliés des USA, sur 193).
Le même constat vaut pour la Banque mondiale qui n’a pourtant pas la réputation d’aimer spécialement le Parti communiste chinois. Après avoir « envoyé sur place une équipe de cadres supérieurs » pour enquêter sur les accusations d’un « mauvais usage » par la Chine d’un prêt accordé en 2015 pour la construction de cinq collèges professionnels, elle a déclaré que l’ « examen n’a pas corroboré ces allégations. »
L’OMS non plus « ne croit pas les médias », renchérit Maxime Vivas en se référant au docteur américain Francis Delmonico, président du groupe de travail de l’Organisation mondiale de la santé sur la transplantation, qui a déclaré que les médias devraient « défier ceux » qui font des affirmations fantaisistes au sujet de prélèvements forcés d’organes en Chine.
Une seconde vie pour les vieux mensonges sur le Tibet
L’auteur qui a visité deux fois le Xinjiang (ça ne fait pas de lui un « spécialiste » de cette région de Chine, certes, mais que dire alors d’Adrian Zenz qui n’y est allé qu’une seule fois, en touriste, il y a des années) a l’avantage de bien connaitre le Tibet et la question tibétaine. Son livre sur le « dalaï-lama pas si zen » en témoigne. Il était donc bien placé pour remarquer les similitudes et les parallèles qu’il y a manifestement entre les couvertures médiatiques respectives de ces deux régions. En effet, les fake news au sujet du Tibet dont on a abreuvé le public occidental depuis soixante ans sont désormais recyclées pour être rabâchées, façon moulin à prières, au sujet du Xinjiang :
- le prétendu « génocide » au cours duquel la population tibétaine a pratiquement triplé (!) se répète au Xinjiang avec une population ouïghoure qui est en constante augmentation (d’environ 3 millions en 1953, le nombre d’Ouighours est passé à un peu plus de 10,1 millions en 2010, pour atteindre environ 12,7 millions en 2018 selon les statistiques officielles) ;
- l’accusation de stérilisations massives de femmes pour « éliminer la race tibétaine », déjà lancée par le dalaï-lama au sujet du Tibet, se trouve répétée au sujet de la minorité ouïghoure sans qu’il y ait, encore une fois, la moindre preuve sérieuse. (On n’a même pas eu, dans nos médias, le sérieux et l’honnêteté de faire la différence entre une méthode de contraception, le stérilet, et une stérilisation opératoire…)
- l’usage de la langue ouïghoure prétendument interdit et puni n’est que le copié-collé des fausses accusations au sujet de l’éradication de la langue tibétaine ;
- la religion réprimée, les fidèles empêchés de pratiquer et les centres du culte détruits ? Maxime Vivas rappelle que le Tibet (la région autonome) compte 46.000 moines, ce qui ferait, proportionnellement à sa population, 1 million de prêtres ou d’autres serviteurs de religion en France. Le Xinjiang, lui, compte aujourd’hui quelque 24 400 mosquées, contre environ 2000 dans les années 1970.
La conclusion que l’auteur tire de ce qu’il a pu voir de ses yeux et de ce qu’il a pu apprendre sur les deux régions autonomes de Chine, la voici :
« Alors, je le redis ici en invitant mes lecteurs à vérifier : les Ouïghours et les Tibétains sont de plus en plus (et spectaculairement) nombreux, leur culture est préservée et promue comme jamais dans leur Histoire, leur religion est libre, l’instruction fait des progrès considérables », et aucune de leurs lois « ne permet d’encager les citoyens au simple motif de leur croyance, de rendre les femmes infécondes ou d’amputer les enfants. »
Dans la tradition des grandes tromperies médiatiques
Pour bien montrer qu’il ne faut pas croire les médias sur parole, l’auteur consacre carrément une partie du livre à l’évocation des fake news de taille que les médias bien-pensants, toujours avides de scoops, ont divulguées au fil du temps, à commencer par l’affaire Dreyfus et l’atterrissage triomphal des aviateurs français Nungesser et Coli à New York. Sont ainsi citées : la fiole de Colin Powell, les charniers de Timisoara, Tchernobyl et le nuage radioactif qui s’est arrêté net aux frontières de la France, l’« arrestation de Dupont de Ligonnès » en Écosse, l’affaire des « pédophiles d’Outreau », les couveuses du Koweït, la campagne de dénigrement visant à briser la carrière politique de l’ex-président brésilien Lula da Silva, la façon peu regardante dont, par exemple, Le Monde rend compte d’affrontements au Venezuela, et j’en passe. N’oublions pourtant pas, cerise sur le gâteau, la petite phrase de Nicolas Hulot répétée aussitôt par Jean-Jacques Bourdin : « En Chine, les enfants ne savent pas que le ciel est bleu ! »
Des « preuves » fabriquées de toutes pièces
Avant de dénoncer concrètement des falsifications plus récentes, l’auteur évoque deux exemples de tromperie bien établis. En 2008, quand la campagne contre les Jeux olympiques de Pékin battait son plein et les défenseurs de la « cause tibétaine » (ça sonne mieux que « la cause de la CIA ») avaient pignon sur rue, une photo montrant « la brutalité de la répression au Tibet » fut publiée dans nos médias. C’était un faux, du moins par rapport à ce qu’elle était supposée montrer. N’empêche, comme le fait remarquer Maxime Vivas, qu’« il a fallu attendre huit ans pour que l’Obs (2 novembre 2016) concède sobrement (et sans s’y attarder) que les médias ont utilisé ‘des images de matraquages de moines au… Népal voisin, pour illustrer la répression au Tibet…’ » Le deuxième exemple relatif à la campagne « Free Tibet » de l’époque est une photo qui montre des soldats chinois en train de se déguiser en moines tibétains. Elle fit le tour du monde (occidental), aussitôt happée et gobée par une presse avide de prouver (ou plutôt d’insinuer) que les émeutiers de Lhassa n’étaient pas des moines fanatiques et autres casseurs tibétains, mais des provocateurs chinois. En fait, la photo était vieille de cinq ans ; elle avait été prise lors du tournage d’un téléfilm et montrait des soldats qui y servaient de figurants.
Les falsificateurs qui s’inspirent de ces exploits passés pour calomnier la politique chinoise au Xinjiang pullulent dans les médias et spécialement dans les réseaux sociaux. Maxime Vivas fournit quelques exemples d’images censées montrer des Ouïghours torturés ou maltraités qui, en vérité, proviennent d’un studio aux États-Unis, ou des Philippines, ou d’Indonésie… Quand la photo d’un soulier « de fabrication chinoise » avec, caché à l’intérieur, le prétendu message de détresse d’un « travailleur-esclave ouïghour » apparait sur Twitter, elle est aussitôt partagée par le très circonspect « expert » Adrian Zenz, avant d’être révélée comme une tromperie grossière : comme son étiquette l’indique, le soulier a été fabriqué non pas en Chine, mais au Vietnam.
La responsabilité du journaliste
Je voudrais terminer cette présentation du nouveau livre de Maxime Vivas en citant ses mots de la fin. Il y revient sur ses collègues journalistes qui trahissent le code déontologique de leur profession :
« Ils se mettent en bien mauvaise posture, les journalistes qui, chez nous, par paresse ou par intérêt, ont choisi pour modèles leurs confrères de l’affaire d’Outreau. Ces derniers ont été complices des persécutions infligées à quelques innocents, ils sont responsables de quelques vies brisées dans une petite ville du Nord de la France. Les autres verront du sang couler à flots au bout de leur plume si leurs balivernes encouragent ou suscitent au Xinjiang l’apparition d’un cycle terrorisme/répression au terme duquel cet immense territoire ne deviendra pas, quoi qu’il en soit, un Califat, mais restera une région autonome régie par les lois de la République populaire de Chine. »
Notes
1) Maxime Vivas, La face cachée de Reporters sans frontières : De la CIA aux faucons du Pentagone, Bruxelles, Éditions Aden, 2007
2) Maxime Vivas, Dalaï-lama pas si zen, Paris, Éditions Max Milo, 2011
3) Maxime Vivas, Ouighours – pour en finir avec les fake news, Paris, Éditions La Route de la Soie, 2020
4) Par exemple, c’est par ce mensonge que commence la vidéo https://www.youtube.com/watch?v=tR11b7uh17Y&t=101s produite par Le Monde. Par ailleurs, elle fait un montage de fragments de vidéos et de photos trouvés sur les réseaux sociaux chinois, sortis de tout contexte et interprétés abusivement et de façon malveillante pour « prouver » ce qu’on croyait savoir d’avance.