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Dynastie des Tubo ou dynastie Yarlung (630 – 846)

par Jean-Paul Desimpelaere, le 13 février 2011

Parler de la "dynastie du Yarlung", au lieu de la "dynastie des Tubo", serait plus correct, car cette dynastie est originaire de la vallée du Yarlung et a pris son expansion à partir de là.

 

Le terme « Tubo » apparaît dans les annales chinoises dès le 6ème siècle avant notre ère. Il semble qu'il soit une transcription phonétique et une contraction de "Bod" et "Tuo Fa". « Bod » désigne les habitants originaires du Tibet central. « Tuo Fan » est un terme utilisé pour les populations venant du Nord et qui se sont mélangées aux « Bod » du centre, pour former ensemble les « Tu-Bo », d'où le nom que nous donnons à cette région : le « Tibet ».

A partir de 640 de notre ère, les populations circulant sur le Haut plateau asiatique ont été rassemblées et contrôlées par le fondateur de la dynastie des Tubo, SongTsen Gampo (630-649). Un grand royaume tibétain s'établit et va dominer le Haut plateau jusqu'en 838. La capitale de ce vaste royaume est YumbuLahkang, sur la rive Est du Yarlung, où se dresse une forteresse sur un rocher surplombant la vallée.

Le bouddhisme, sous sa forme indienne et chinoise, va être introduit au Tibet grâce au roi Songtsen Gampo qui prend pour épouses la princesse chinoise Wencheng et la princesse népalaise Bhrikuti. Cette première forme du bouddhisme n'eut pas beaucoup de succès auprès des populations du Haut plateau, car elles répondent plus volontiers aux croyances Bön (religion animiste pré-existant au bouddhisme).

Durant toute la période dynastique, les Tubo ont tenté d'étendre leur royaume, mais ils se sont heurtés aux troupes chinoises des Tang. Entre autres, en 670, lors d'un affrontement violent au Qinghai où les Tubo ont subi une défaite écrasante. Par la suite, les affrontements se sont succédé, les Tubo étant parfois vainqueurs, parfois vaincus. Trois Traités de paix entre les Tubo et les Tang n'ont pas réussi à calmer les ardeurs des Tubo.

Le Traité de Paix de 735 a octroyé aux Tubo les provinces du Sichuan (partie Ouest) et du Gansu, ainsi que la Route de la Soie du Nord. En 752, les Tubo s'allient aux Nanzhao (région Ouest des provinces actuelles du Sichuan et du Yunnan). Cette alliance va durer jusqu'à la fin du 8ème siècle. En 763, les Tubo font une incursion vers l'Est de la Chine et occupent temporairement la capitale des Tang, Chang An (Xian actuellement). En 787, un nouveau Traité de Paix concède aux Tubo les territoires de l'Ouest ( province actuelle du XingJiang). Le royaume des Tubo a atteint son expansion maximale sous Trisong Detsen, fils de Tride Tsukten et de la princesse Jincheng.

C'est cet énorme territoire (deux fois la province actuelle du Tibet et cinq fois la France) que le 13ème dalaï-lama a revendiqué lors de la Conférence de Simla en 1913, qui a réuni le Tibet, l'Angleterre et la Chine autour d'une table de négociation. La conférence n'a pas abouti, aucun accord ne fut signé. Le 14ème dalaï-lama fait écho à son prédécesseur, puisque lui aussi, parle de l'indépendance du « Grand Tibet » ou du « Tibet hitorique ». Il fait référence à ce territoire gigantesque qui rabote la Chine d'un tiers de sa superficie. Le gouvernement chinois réplique que, depuis le 9ème siècle, ce territoire n’a plus jamais été une entité politique et que de plus, ce royame ne fut jamais dirigé par un dalaï-lama puisque ce titre n'a été conféré qu'au 16ème siècle.

Pendant les affrontements qui égraine le 8ème siècle, le bouddhisme pénètre à nouveau au Tibet, cette fois grâce à un gourou indien, Padmasambhava. Celui-ci fuit les incursions des Musulmans au Nord de l'Inde. Réfugié au Tibet, dans le fief du roi Trisong Detsen, il fonde la première école du bouddhisme tibétain, l’école Nyingma ou « Bonnets Rouges », fort influencé par le Tantrisme (bouddhisme pratiqué en inde du nord à cette époque). Il fait construire le premier monastère du Tibet à Samye, à l’Est de Lhassa.

A la fin du 8ème et au début du 9ème siècles, trois rois se succèdent rapidement. Puis Ralpachen (aussi connu sous le nom du roi Tritsug Deqen, 806-836) accède au trône à l’âge de 10 ans. Il souffrait d’une maladie cardiaque, c'est peut-être une raison pour laquelle il contribue à développer le bouddhisme au Tibet. Il impose des restrictions au pouvoir de la noblesse laïque en faveur du clergé. Par exemple, il exige que sept familles rassemblent leurs biens pour « sponsoriser » un moine. La puissance militaire du royaume des Tubo s’essouffle durant le règne de Ralpachen et, en 822, un Traité de Paix est signé avec la dynastie chinoise des Tang. Souhaitant le calme dans les régions frontalières, les Tang ont entretemps signés des Traités d’amitié avec les Ouïgours (province actuelle du XingJiang) et les Nanzhao (Ouest du Sichuan et du Yunnan). En 836, Ralpachen se fait assassiné par des partisans de l’aristocratie rurale.

Son fils, Langdarma (838 – 846), prend les choses à rebours et tente, quant à lui, de limiter le pouvoir du clergé bouddhique. Les bouddhistes sont persécutés, les moines se réfugient alors vers les extrémités du Haut plateau (Nord, Ouest et Est). De ce fait, le bouddhisme tibétain s’installe en dehors du Tibet actuel. Langdarma est assassiné à son tour, en 846.

Le royaume se désagrège suite à l’assassinat du dernier roi, puis suite à des insurrections d’esclaves qui démarrent du Gansu pour s'étendre comme une traînée de poudre jusqu'au centre du Tibet. Le « Grand Tibet » des Tubo, connu à la fin du 8ème siècle, ne sera plus jamais reconstitué dans les siècles suivants.

Expansion maximale des Tubo de 780 à 790 après J.-C.
Expansion maximale des Tubo de 780 à 790 après J.-C.


Padmasambhava (photo JPDes. 2005)
Padmasambhava (photo JPDes. 2005)