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Le réseau de soutien au dalaï-lama appelle au boycott du train vers Lhassa

par Jean-Paul Desimpelaere, le 26 février 2009

Le 14ème dalaï-lama craint que trop de Chinois n’empruntent la nouvelle ligne de chemin de fer qui relie la Chine centrale à Lhassa mais, en tant que diplomate divin, il se doit de mesurer ses mots. Son « gouvernement en exil » se fait son porte-paroles et dénonce un « phénomène de colonisation chinoise qui risque de s’aggraver avec l’ouverture de la ligne ferroviaire vers Lhassa ». Le réseau international soutenant le dalaï-lama l’exprime avec encore plus de véhémence.

 

En effet, la veille de l'inauguration de la nouvelle ligne de chemin de fer, le directeur de l’ICT (International Campaign for Tibet), l’Américain John Ackerly, a déclaré publiquement : « Cette ligne de chemin de fer ne peut, être favorable aux Tibétains que s’ils en deviennent maîtres, ainsi que du pays qu’elle traverse de part en part. » (1) Autant dire que pour lui, comme pour le dalaï-lama, le Qinghai est déjà annexé au Tibet (2). Selon le directeur de l’ICT, et selon le réseau international en faveur du 14ème dalaï-lama, le train risque aussi « d'augmenter la présence militaire au Tibet ».

le train vers Lhassa (photo JPDes. 2008)
le train vers Lhassa (photo JPDes. 2008)

Alors, selon eux, qui a le droit de prendre le train pour Lhassa ?… certainement pas les Chinois Han, ni les Hui, ni les militaires. Donc, uniquement les Tibétains... et, bien sûr, Richard Gere, président d’honneur de l’ICT ! Dans ses discours en faveur d’un « Tibet libre », l’acteur hollywoodien parle de la ligne vers Lahssa comme d'une « violation de la terre sainte tibétaine ». Quant à Dhondup Dolma Bhartso, en poste au Bureau des Affaires Étrangères du « gouvernement tibétain en exil », elle écrit avec beaucoup de compassion que « les troupeaux de yacks risquent de s’effrayer en voyant passer le train. » (3) Pour des responsables haut placés par le dalaï-lama en personne, il y a de quoi se poser des questions quant au sérieux de « son gouvernement en exil ».

Qu'en pense le Congrès de la Jeunesse Tibétaine (TYC, Tibetan Youth Congres) ? Il est intéressant de le savoir, car le TYC (qui se prétend être constitué en ONG) est la formation politique la plus importante au sein de la communauté des Tibétains en exil. Parmi les fondateurs, on trouve des personnalités importantes appartenant à l’élite tibétaine, par exemple, Lody Gyari (de l'ICT), Samdong Rinpoche, (actuel premier ministre du 14ème dalaï-lama) et Jetsun Pema (sœur du dalaï-lama). Ces personnes font, ou ont fait partie, de l’entourage immédiat du dalaï-lama. On ne pourrait donc pas dire que le TYC soit en opposition avec le pacifisme affiché du 14ème dalaï-lama. Pourtant, ce mouvement est qualifié de « radical », ceci en raison de l’une de leurs quatre lignes directrices. Selon sa charte, le TYC vise « l’indépendance totale du Tibet, même si cela doit coûter des vies humaines ». (4) La dernière partie de cette phrase indique clairement que ce mouvement n’hésiterait pas à recourir à la force, ce qui semble en opposition avec le pacifisme du dalaï-lama. Les responsables de ce mouvement étant des proches de ce dernier, on peut supposer que le TYC représente plutôt la « face cachée » du 14ème dalaï-lama.

En lieu et place de la ligne de chemin de fer reliant Lhassa au reste de la Chine, le TYC préférerait voir s'ouvrir davantage de routes menant du Népal et de l'Inde vers Lhassa. Le réseau international de soutien au dalaï-lama est même opposé à toute jonction entre Lhassa et la Chine intérieure, que ce soit par train, par route ou par air. TYC et ICT (International Campain for Tibet) réunis voudraient verrouiller la frontière entre le Tibet et la Chine intérieure … en construisant « un mur » sur le toit du monde peut-être ? à la mode de chez nous ? Aussi, le TYC s’est mis en tête de boycotter le « train le plus haut du monde ». Du coup, le premier danger pour ce train ne sera pas l’effondrement d’un pont à cause du dégel du permafrost ou des mouvements du sol, mais une charge explosive que poserait le TYC sur la voie.

L’ICT a déjà maintes fois appelé les États-Unis au boycott du train et a recommandé à toutes les instances économiques de ne pas offrir de soutien technique et financier à la construction de la ligne de chemin de fer, ni à tout ce qui l’entoure. Les Canadiens ont désobéi : ils ont aidé la Chine à construire des wagons équipés de pressurisation d’air. Cela a fait dire à Dhondup Dolma Bhartso, l’éminente experte en poste au Bureau des Affaires Étrangères du « gouvernement tibétain en exil », que « les touristes sont transportés dans ce train comme dans un avion, sans qu’ils puissent jouir d’un contact authentique avec le Haut Plateau » (5) Décidément, ce n’est jamais comme il faut !

Quant à Thubten Samphel, du département de l’information et des relations extérieures du « gouvernement en exil », il s’est dit d’accord de voir débarquer des touristes occidentaux au Tibet… mais pas des touristes chinois ! Les premiers pourront prendre le train, mais pas les seconds (6) ! Il a aussi déclaré que « le tourisme au Tibet pourrait ainsi être mieux filtré et mieux dirigé vers des Tibétains ». En clair, il conseille aux touristes étrangers d’éviter autant que possible les agences officielles chinoises, de dormir dans des hôtels 100 % tibétains, de contrôler si le cuisinier du restaurant est tibétain et de choisir des voitures 4 x 4 japonaises après avoir vérifié que le chauffeur est tibétain. Une telle attitude, cela s’appelle-t-il de la compassion ou de la xénophobie ? Ce message est pourtant repris en chœur par le réseau international qui gravite autour du 14ème dalaï-lama.

Notes:

  1. The Wall Street Journal Asia, 30/06/06. L’article est repris dans le “Tibetan Bulletin”, le journal official de l’administration du 14e dalaï-lama en Inde.

  2. La population de Qinghai est composée d’environ un tiers de Hui (une minorité musulmane), un tiers de Han et un tiers de Tibétains, à côté d’autres groupes plus restreints de Mongols, Tu, Kazakh et encore d’autres plus petites ethnies. La ligne de chemin de fer Xining-Lhassa passe pour ¾ sur le territoire du Qinghai.

  3. « Tibetan Bulletin », administration du 14e dalaï-lama, site web CTA, juillet 2006

  4. Site web du TYC (Tibetan Youth Congress)

  5. « Tibetan Bulletin », idem

  6. DPA, une interview d’une agence de presse allemande le 30/6/2006