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Une garde prétorienne ouïghoure pour le nouveau régime syrien ?

par Pierre Gastineau pour Intelligence Online - Le Brief Matinal, le 6 juin 2025

Les combattants ouïghours ayant participé à la rébellion syrienne aux côtés d'Ahmed al-Charaa viennent grossir les rangs du dispositif de sécurité entourant l'ex-rebelle et nouveau leader du régime de transition. Au grand dam de Pékin.

 

 

Ahmed Al-Charaa, le président intérimaire des autorités de transition syriennes, à Paris, le 7 mai 2025. © Daniel Pier/NurPhoto via AFP
Ahmed Al-Charaa, le président intérimaire des autorités de transition syriennes, à Paris, le 7 mai 2025. © Daniel Pier/NurPhoto via AFP

Plusieurs visiteurs récents du président syrien de transition Ahmed al-Charaa se sont étonnés du nombre croissant d'officiers de sécurité d'origine ouïghoure assurant sa protection. À Damas, certains évoquent déjà une "garde prétorienne ouïghoure", tant il semble que ce choix est pensé. La pratique de s'entourer d'étrangers loyaux qui lui doivent tant peut en effet présenter un avantage certain pour le leader, au vu des tensions entre communautés syriennes. Contactée via divers canaux, la nouvelle présidence ne nous a pas répondu à l'heure de la publication de cet article. 

Lors de la guerre syrienne, les combattants ouïghours, cette minorité chinoise de confession musulmane issue du Xinjiang, étaient en grande partie rassemblés au sein du Parti islamique du Turkestan (PIT), affilié d'abord à Al-Qaeda puis à l'Hayat Tahrir al-Cham (HTC) d'al-Charaa. Ces soldats ont été de tous les fronts depuis la bataille d'Idlib en 2015, en particulier lors des actions les plus violentes. Le PIT serait aujourd'hui officiellement intégré à la 84e brigade de la nouvelle armée syrienne.

 

Le Guoanbu perd sa plus vieille implantation proche-orientale

Reste que cette présence importante d'Ouïghours dans l'entourage sécuritaire du nouveau raïs fait figure de pied de nez à Pékin, qui tente depuis le changement de régime de recoller les morceaux avec les nouveaux maîtres de Damas, sans grand succès pour le moment. Damas fut dès 1966 la première grande base du renseignement chinois au Moyen-Orient, et le renseignement extérieur du ministère de la sécurité d'État chinois, ou Guoanbu, avait jusqu'au dernier moment conservé des liens forts avec l'appareil sécuritaire du régime al-Assad. Il entendait notamment traquer les soldats islamistes ouïghours qui combattaient au sein de la rébellion syrienne.

Al-Charaa n'a d'ailleurs rencontré officiellement Shi Hongwei, l'ambassadeur chinois à Damas depuis 2023, que fin février. L'histoire ne dit pas s'il a dû passer par un dispositif de sécurité composé d'Ouïghours pour atteindre la salle d'audience.

Contentieux supplémentaire passé un peu inaperçu, l'ambassade chinoise à Damas avait été vandalisée en décembre lorsque le HTC a pris le contrôle de la capitale. Pour Pékin, ce havre de paix pour militants entraînés de la cause ouïghoure en Syrie reste un sujet de préoccupation majeure.

URL de l'article : https://www.intelligenceonline.fr/renseignement-d-etat/2025/06/06/une-garde-pretorienne-ouighoure-pour-le-nouveau-regime-syrien,110459664-art