La langue tibétaine réprimée et marginalisée par la Chine ?
par Jean-Paul Desimpelaere, le 4 mars 2011
Le 25 novembre 2010, le Parlement Européen a voté une résolution à l'encontre de la Chine affirmant qu'elle réprime et marginalise la langue tibétaine. « Les populations autochtones n’ont pas le droit d’organiser leur système éducatif dans leur propre langue », stipule la résolution. Selon les Bretons, l’Europe n'est elle-même pas un bon exemple en la matière ! Quant au Parlement chinois, il ne perd pas son temps avec les problèmes des Basques.
Prenons comme exemple la province du Qinghai, une province multiculturelle par excellence : une dizaine de peuples différents y vivent avec, actuellement, une majorité de Han, de Hui et de Tibétains. Les Hui (d'origine arabe) sont venus s'installer au Qinghai pendant la dynastie mongole (au 13ème siècle)... constituent-ils un peuple « autochtone », ou un groupe de migrants qui a du s'adapter ? La population tibétaine du Qinghai ne s’y est pas établie beaucoup plus tôt : partiellement au 9ème siècle et majoritairement pendant et après la dynastie Mongole. Peut-on dire d'eux qu'ils sont « autochtones » ? D'autres peuples vivaient là avant ces trois groupes, principalement : les Tu, Xixia et les Qiang dont il subsiste des enclaves aujourd’hui au Qinghai. Est-ce eux les autochtones ? Et leurs langues alors ? Qui les défend au Parlement européen ?
En Belgique, un Limbourgeois n’est pas réellement un flamand, et aux Pays-Bas, le néerlandais officiel n’est pas si ancien (réaction de mes parents au début de la standardisation du néerlandais : « à quoi ça ressemble ça, ce n’est même pas une langue ! »). Que signifient les termes « ethnies, autochtones » dans une humanité où les peuples s'entrecroisent depuis ses premiers pas ?
La Chine compte au moins 54 peuples « autochtones ». C’est une tâche gigantesque pour un pays en voie de développement, que la Chine est encore majoritairement, de soutenir toutes ces cultures et toutes ces langues. Des efforts sont néanmoins fait dans ce sens : des langues presque oubliées, comme le Manchu et la langue Yi, sont à nouveau enseignées dans les écoles.
Mais revenons-en aux Tibétains de la province du Qinghai qui, en effet, sont face à un problème supplémentaire par rapport aux autres ethnies : trop peu d'entre eux maîtrisent le chinois, du coup, ils sont désavantagés dans la recherche d'un job. Ce sont, pour la plupart, des bergers désœuvrés qui n'ont pas été scolarisé longtemps. Un secrétaire du Parti du Qinghai a reconnu le problème récemment et a déclaré : « le bilinguisme serait une excellente façon de moderniser la région ! » Il voulait dire par là : enseignons le chinois plus rapidement aux enfants tibétains pour qu'ils puissent s'intégrer plus facilement (cela nous paraît familier en Belgique!) Les familles tibétaines concernées n'ont pas apprécié et ont manifesté pour conserver le tibétain comme première langue dans leurs écoles. Les membres du Parti ont été surpris et ont déclaré : « d’accord, pas de réformes sans l’accord des parents et des élèves ».
Et voilà l’histoire qui occupa le Parlement Européen pendant une journée entière... et qui mena à la résolution contre la « répression et la marginalisation de la langue tibétaine opérée par la Chine » !... un peu faible pour réunir un parlement, écouter une dizaine d’interventions, et pondre deux pages de résolution, n'est-il pas ? Mais compréhensible si on sait que dans cette même résolution, l’Europe décide de donner 1 million d’euros par an à l’entourage du dalaï-lama. Restons cohérent : tant qu'à faire un tel don annuel, observons la ligne dictée par le saint homme !
Et puis ceci : sur le site de DeWereldMorgen.be, j’ai récemment lu que « les Tibétains n’ont pas droit à l’enseignement dans leur propre langue ». Mais lorsque des parents et des élèves tibétains manifestent pour « conserver le tibétain comme première langue à l’école », cela prouve quand-même qu’il y a un enseignement en tibétain !!!... alors ce Parlement européen, à quoi joue-t-il ?