Le soulèvement du 10 mars 1959 à Lhassa
par Jean-Paul Desimpelaere, le 7 septembre 2009
Que s'est-il réellement passé à Lhassa lors du soulèvement du 10 mars 1959 ? Plusieurs témoins des évènements, venant d'horizons différents convergent pour donner une version similaire, mais assez éloignée de celle du 14ème dalaï-lama.
Wang Qixiu travaillait au bureau de poste de Lhassa. Le jour du soulèvement, 10 mars 1959, il était sur place, et comme il est toujours en vie il a témoigné sur china.org.cn de ce qu'il a vu. Son commentaire a été traduit par NTIS (1). Voici un extrait de son témoignage :
« L’armée n’est intervenue qu'au bout de 10 jours, c'est-à-dire le 20 mars, lorsque les rebelles ont attaqué la base militaire. Les rebelles avaient déjà pris d'assaut le Potala, le palais d’hiver de Norbulingka et le temple de Ramoche et le Jokhang. Ils étaient entre dix et vingt mille (2).
Ils étaient équipés d’armes parachutées au préalable par la CIA et disposaient de 10.000 fusils, 180 mitrailleuses et 40 mortiers. L’armée chinoise comptait seulement 12 régiments, un total de 1000 hommes. Le 22 mars, tous les rebelles se sont rendus. 5.300 rebelles ont été tués dans les affrontements. Le 14ème dalaï-lama avait déjà quitté Lhassa le soir du 17 mars 1959. Mao donna l’ordre à son général posté à Lhassa de ne pas le poursuivre. »
Dans le livre de Mikel Dunham (3), ce sont des ex-rebelles qui témoignent. Pensionnés à ce jour, ils se souviennent de « 15.000 morts et blessés compris » lors du soulèvement. Leur version des faits correspond assez bien à celle ci-dessus : « A son départ de Lhassa, le dalaï-lama avait l’intention d’établir un quartier général temporaire dans la base rebelle de Lhuntse Dzong (un petit fort à 100 km de la frontière indienne). Il y arriva le 27 mars, mais le 24 mars, il avait déjà reçu un message annonçant l’échec du soulèvement.
Il put aussi l’entendre sur Radio Beijing, grâce à la radio de l’officier de la CIA qui le guidait. Cela le décida à partir en exil. Le 14ème dalaï-lama donna le titre de g »général » au chef rebelle Gompo Tashi, et le 31 mars il traversa la frontière avec l’Inde.
Kenneth Conboy et James Morrison qui se basent sur les témoignages d’officiers de liaison de la CIA, ont un récit similaire, même s'ils ne mentionnent pas le nombre de morts (4).
Pourtant, peu après son arrivée en Inde, en juin 1959, le 14ème dalaï-lama déclara que « 70.000 Tibétains avaient été abattus à Lhassa ». Cinq ans plus tard, il parlait de 87.000 morts, ce qu’il confirma dans ses « Mémoires » publiées en 1990.
La CIA estime que la population totale de Lhassa à l’époque était de 10.000 habitants (5) et dit de ce bilan que ce sont des « inventions grotesques » du frère du 14ème dalaï-lama. Ou, comme titrait récemment un site internet français : « Exagérer n’est pas mentir, pour le 14ème dalaï-lama. »
Notes:
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11/03/09, NTIS, US Dept of Commerce.
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La majorité des rebelles étaient des Khampa, venus du Sichuan occidental et de l’Ouest du Tibet, ils étaient arrivé à la capitale dès l’été 1958
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“Buddha’s Warriors, The Story of the CIA-Backed Tibetan Freedom Fighters, the Chinese Invasion and the Ultimate Fall of Tibet.”, Mikel Dunham, avec preface du 14ème dalai-lama, Tarcher-Penguin, New-York, 2004, pages 290-304.
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“The CIA’s secret war in Tibet”, Conboy et Morrison, Modern War Studies at Kansas University, 2002, pages 90-93.
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D’autres Occidentaux qui fréquentaient le Tibet à l’époque parlent de 20.000 habitants