Le nirvana, l’Absolu des absolus
par Elisabeth Martens, le13 mai 2009
« Que des Bouddhas paraissent dans le monde ou qu’il n’en paraissent pas, le fait demeure que toutes choses sont sujettes à la douleur, que toutes choses sont impermanentes, et qu’aucune d’elles ne constitue un ‘moi’ », a affirmé le Bouddha résumant ainsi ce qu’il entend par « vue juste ». Les vues justes viennent, d’après lui, d’une claire compréhension du triple caractère de toute existence phénoménale : souffrance, impermanence, et absence d’ego.
Que recherchent les adeptes du bouddhisme ? Quelle est la finalité de cette religion ? Pourquoi de plus en plus d’occidentaux sont attirés par le bouddhisme ?
La douleur, ou « dukkha » en sanskrit, est certes partagée par tous les êtres humains. Prétendre que « toutes choses » ou « toutes existences phénoménales » sont sujettes à la douleur constitue toutefois une projection d’un ressenti humain. Que savons-nous de la douleur d’une pierre, de celle d’un arbre ou de celle de la voie lactée ?
On ne pas peut dire que la douleur soit universelle, mais elle est au minimum une caractéristique partagée par tous les êtres humains, qu’ils proviennent de n’importe quel coin de la planète et qu’ils aient connus n’importe quelle époque de l’humanité. L’enseignement du Bouddha est entièrement tourné vers la délivrance de la souffrance humaine. Sa méthode, qui concerne tous les types de douleurs humaines, est souvent qualifiée de « thérapeutique ».
Comme un bon médecin, le Bouddha diagnostique la souffrance, analyse quelles en sont les causes, voit comment y remédier, et propose un traitement. Libre au patient de suivre la prescription ou de retourner à ses anciennes habitudes. Sur les traces du Bouddha, les adeptes du bouddhisme cherchent donc à se délivrer et à délivrer les êtres humains de la douleur. « Je n’accepte pas le monde tel que je le vois et le subis, je n’accepte pas la douleur qui en est la loi. Je m’insurge, et pour moi, et pour mes frères. Je chercherai les moyens de les délivrer et de me délivrer moi-même », écrit Alexandra David-Neel au début du 20ème siècle, en ajoutant que nul ne peut se prétendre bouddhiste s’il ne choisit pas cet axe de vie.
Cependant, les perceptions de la douleur prennent diverses teintes et nuances suivant les cultures. Ce qu’un oriental recherche dans le bouddhisme n’est pas forcément identique à ce qu’un occidental y recherche. Leur perception de l’existence est différente, donc aussi celle de la douleur. Par exemple, pour les hindouistes, comme le Bouddha né au 6ème AC dans le nord de l’Inde, la douleur existentielle est représentée par la « Roue des Existences sans fin » : toute personne renaît indéfiniment à la vie, se réincarne sans cesse en une nouvelle forme de vie, moins bonne ou meilleure, suivant son « karma ».
L’unique possibilité d’échapper à ce cycle des existences sans fin est d’accéder à la caste des brahmanes, seule élue à siéger aux côtés de Brahmâ, dans un Au-delà (ou un En-dehors) de la Roue des Existences. Or la caste des brahmanes semble totalement inaccessible aux castes inférieures.
Pour l’hindouiste qui perçoit la vie comme un cycle infernal, l’existence est un poison, elle inclut toutes les re-naissances successives et l’espoir sans cesse déçu de renaître dans une vie meilleure que la précédente. Dès lors, sa souffrance et son angoisse sont de tourner indéfiniment dans la Roue des Existences. Sa douleur existentielle est de se retrouver à chaque nouvelle vie devant son âme, porteuse du karma de ses vies passées. Cet « en soi », ou « atman », il l’a reçu de Brahmâ ; il s’agit de son « ego », qui le rend unique, le marquant de son sceau individuel et revendique ses dus et ses droits, de vie en vie. Il y a, en effet, de quoi avoir des cauchemars, ou de tomber dans un fatalisme désolant.
Le Bouddha s’est révolté contre cette injustice : pourquoi seuls les brahmanes peuvent-ils espérer échapper à la Roue infernale ? D’après le Bouddha, tout un chacun a la possibilité de se délivrer du cycle des existences. L’enseignement du Bouddha (ou dharma)propose une autre manière de réfléchir à la Roue des Existences : que l’on renaisse dans un enfer ou dans un paradis, dans un plan animal, humain ou divin, dans une vie meilleure ou une vie moins bonne, peu importe, prétend le Bouddha ; tous ces états sont transitoires, tous relèvent du monde de l’impermanence et, dès lors, tous sont marqués par la douleur.
La délivrance véritable de la Roue des Existences est de transcender la douleur et cela ne dépend ni des dieux, ni des démons, ni des mondes ou des différents plans d’existence (nombreux et complexes dans l’hindouisme), mais uniquement de la capacité de l’être humain à se prendre en charge lui-même, sans l’aide d’aucun dieu, et de parvenir au nirvana.
Le nirvana, ou état d’Eveil permanent, est la seule issue possible des re-naissances et le seul remède aux souffrances engendrées par le cycle des existences sans fin.
Pour l’occidental, la douleur n’est pas ressentie de la même manière. Pour lui, la vie est au contraire un bien précieux à préserver, et même à prolonger au-delà de ses limites. L’angoisse et la douleur de l’occidental sont plutôt de perdre cette vie précieuse, de là son désir de vie éternelle. Sa souffrance existentielle est engendrée par ses propres limites, physiques et temporelles. En réalité, l’occidental a le nez contre ses limites, il bute constamment sur son temps de vie limité, sur ses capacités physiques limitées. Il est devenu unique, individu distinct des autres, grâce au souffle de Dieu qui, comme Brahmâ pour l’hindouiste, lui a donné une âme. Il lui paraît absurde de devoir mourir et s’éteindre si rapidement.
C’est pourquoi l’occidental donne sens à sa vie à partir d’une « après-vie » éternelle que, dès lors, Dieu a le devoir de lui promettre. En Occident, nous avons tous, culturellement (la religion fait partie de la culture), hérité de l’idée que nous avons une âme ou un esprit ou une conscience qui nous rend particulier, qui fait de nous un cas à part. Ce qui n’est pas faux, bien entendu, mais c’est incomplet, car autant qu’être des individus différents et différenciés, nous sommes tous de l’espèce homo sapiens, de la famille des hominidés, de l’ordre des mammifères, etc.
Tous, nous nous tenons debout sur nos pattes de derrière et, tous, nous avons un cerveau d’un volume plus ou moins identique ; tous nous manquons d’odorat et avons perdu notre queue (pourtant fort utile !). Nous, homo sapiens, avons énormément de points en commun entre nous, et nous en avons encore plus avec le monde viavant, et même avec le monde inerte. Mais la culture occidentale (largement et longuement soutenue par la religion) nous a tellement inculqué l’idée de « l’être », de « l’en soi », de « l’unique », de « l’individu », que nous en avons perdu de vue la réalité des connexions, des relations, des interférences, des associations, des similitudes.
Dès lors, l’ego de l’occidental, nourri au biberon de « l’être », est devenu bien encombrant !... et bien exigeant, quémandant toujours plus de reconnaissance !... et bien souffreteux aussi, puisque ce sentiment d’être un « unique », un « à part », un « en-soi », sans lien avec le reste du monde, isole les individus les uns des autres. Telle est notre douleur existentielle en Occident.
Si les cultures indienne et européenne ont une perception du temps, et des cycles de vie / mort, relativement différente, elles ont pourtant ceci de commun que l’atman hindouiste et l’âme chrétienne ont légué à l’être humain un ego surdimensionné. Atman et âme sont des entités spirituelles que le dieu tout-puissant à insufflé à l’être humain pour lui donner sa particularité. Bien que l’atman des hindouiste trouve sens dans une tentative toujours renouvelée de se soustraire aux réincarnations successives et que l’âme des chrétiens trouvent sens en focalisant son entité vers une éternité divine, l’angoisse et la souffrance qui résultent d’un ego surdimensionné sont finalement assez similaires.
Elles se manifestent par la peur viscérale d’être exclu. En effet, plus le sentiment d’être une entité distincte du reste du monde matériel (vivant et inerte) est aigu, plus la peur de se faire exclure de ce monde matériel devient intense. Me sentant distinct, différent, « allien » à la matière environnante et à ses transformations multiples, je me fige dans un isolement stérile. Or, et l’hindouisme, et le christianisme (de même que les autres religions monothéistes) glorifient l’idée d’un dieu qui confère à l’être sa place unique, qui donne à l’être humain son sens de l’individu… ce que le Bouddha appelle « l’ego ». D’après le Bouddha, l’ego est la plus grande cause de souffrance de l’être humain.
C’est d’ailleurs de cette souffrance engendrée par l’ego que les religions se nourrissent et c’est à cause des religions l’être humain tourne en rond dans sa souffrance. L’enseignement du Bouddha est dirigé contre la religion de son époque (et contre toutes els religions théistes) car elle ne fait qu’augmenter le sentiment d’ego et la souffrance de l’être humain. Le dharma est au contraire un véritable « mode d’emploi » qui vise à se débarrasser définitivement du sentiment d’ego et de sa souffrance. Il s’agit évidemment d’une réelle délivrance, surtout quand l’ego prend toute la place et relègue aux oubliettes les sentiments d’appartenance et d’alliance au monde matériel.
Donc, même avec une perception différente du temps, des cycles vie / mort, et de la souffrance, l’enseignement du Bouddha est aussi riche pour un hindouiste que pour un chrétien. De là, entre autres, que le bouddhisme n’est pas « classé » parmi les autres religions : les dieux – ou le dieu unique de trois religions monothéistes - renforcent le sentiment d’ego, et par là, renforcent la souffrance de l’être humain.
Alors que le Bouddha combat le sentiment d’ego et vise à se débarrasser de la douleur que l’ego engendre.
Le coup de génie du Bouddha est d’avoir développé sa méthode de délivrance de la douleur autour de l’idée de « l’impermanence ». Il s’agit du cœur de son enseignement et c’est sans doute ce point qui séduit le plus les intellectuels occidentaux. L’impermanence bouddhiste peut être comprise à plusieurs degrés. Elle peut d’abord être perçue comme « tout se transforme », « je ne suis plus pareil maintenant qu’il y a une seconde », etc., et puisque tout passe, ne nous attachons à rien.
C’est le fameux « lâcher-prise » ou « détachement » prôné et même rabâché par les bouddhistes en occident. Mais le Bouddha a poussé cette analyse un peu plus loin : d’après lui, l’être humain (comme tout être vivant) est constitué de différents « agrégats ». Un être humain est une rencontre momentanée de cinq agrégats : physique, sensoriel, perceptif, mental, et conscience, dit-il. Ces agrégats sont comme des « pots communs » dans lesquels chaque être humain « puise » son petit lot momentané, et les cinq lots s’assemblent de manière transitoire au cours d’une vie, ou de plusieurs vies, pour constituer une personne. Lorsque cette personne se « dé-constitue » (décède), chaque lot retourne à son pot commun. L’humanité est formée de ces cinq agrégats qui font et dé-font des personnes, qui, elles, sont toutes des assemblages momentanés de ces lots.
Puisque nous voilà aussi disparates, chacun de mes morceaux faisant partie d’un pot commun à tout le monde, où suis-je, qui suis-je ?... rien qu’un assemblage transitoire, momentané, passager. Expérimenter cette impermanence, qui est aussi un sentiement d’appartenance à des entités matérielles, amène l’adepte du bouddhisme à changer radicalement son point de vue sur le monde et sur lui-même ; son mode de vie change profondément grâce à ces perceptions nouvelles. Puisqu’il n’est qu’un assemblage momentané de diverses choses qui toutes sont impermanentes (transformables et passagères), son ego n’est pas une entité à défendre à tout prix ; il est aussi impermanent que tout le reste.
Dans cette nouvelle conception de soi-même, de l’humanité et du monde, l’ego n’est plus un « en-soi » lourd et pesant. Il se dilue comme un sucre dans l’eau, il devient friable : ma part physique vient de là-bas, ma part mentale vient d’ailleurs, et ma part de conscience encore d’ailleurs. Me voilà désenclavé de mon unité, me voilà faire partie des corps physiques, du mental humain, de la conscience planétaire. Je ne suis plus un « en-soi » qui doit renaître dans une vie meilleure pour pouvoir me délivrer du cycle des renaissances. Je ne suis plus un individu, indivisible et unique dont le temps de vie est bêtement limité. Je fais partie d’un tout puisque je suis fabriqué à partir d’éléments de ce tout. D’après le Bouddha, un ego dilué au point de devenir inexistant est la juste vision pour se débarrasser définitivement de toutes formes de souffrance.
Les véritables disciples du bouddha n’ont d’ailleurs plus de nom, ils portent le nom du monastère où ils habitent ou du lieu où ils vivent. L’ego n’existant plus, la douleur disparaît.
Voilà la voie qui mène à la suppression radicale de la souffrance : s’expérimenter comme faisant partie des phénomènes impermanents. Cela amène à la dissolution totale du sentiment d’ego, à l’extinction complète de la souffrance, au nirvana ou union à la Permanence bouddhiste.
Que les occidentaux soient attirés par ce discours n’a rien d’étonnant. Tous les éléments sont présents pour qu’ils le soient, et même qu’ils continuent à l’être encore un bon bout de temps. D’une part, beaucoup de nos intellectuels se sentent porteur d’un « en-soi » très important ; ils se baladent avec des ego particulièrement redondants et en souffrent au point où parfois une psychanalyse de plusieurs dizaines d’années n’en vient pas à bout, alors que le dharma peut faire le travail à moindre frais !
D’autre part, ces ego, ils ne se donnent plus le loisir de les diriger vers leur Dieu, le dieu de leurs ancêtres ; il ne faut pas les prendre pour des innocents tout de même !... on ne les reprendra plus à croire à ces bondieuseries moyenâgeuses. Toutefois un ego sans direction assistée, cela leur donne une angoisse de non-sens. Vers où diriger leur âme ? Que faire de leur spiritualité ? Quel sens donner à leur vie ? Ils errent dans les couloir de « Fnac » ou dans les réseaux "d’Amazone », à la recherche du bouquin, de l’auteur, de l’idée, qui va éclairer leur vie d’une flamme nouvelle : peut-être la philosophie des Cathares ? ou une athéologie digne d’onfray ? ou le retour de Marx... pourquoi pas ?
Tant et si bien que le radieux sourire d’un dalaï-lama apparaît sans crier gare sur leur table de chevet ! Tandis que le peuple batifole entre les rayons du supermarché, consommant goulûment quelques babioles fluo, essayant un string ou un stretch, puis s’éclipsent pour une dînette chez tante Sidonie, avant d’aller chercher la petite dernière à une surprise-party. Toutefois, le consumérisme, qu’il soit intellectuel, culturel ou simplement digestif, renforce le sentiment d’ego, tout autant que les religions.
D’ailleurs, une grande partie de la population a remplacé la religion par le consumérisme. C’est efficace jusqu’à un certain stade, puis on se lasse, comme pour le reste. Finalement l’ego de l’occidental est devenu à ce point encombrant que le nombre de suicides (même parmi les enfants et les jeunes(, les actes de violence « gratuits » (même parmi les enfants et les jeunes), l’abus de substances hallucinogènes licites et illicites (même parmi les enfants et les jeunes), sont en constante augmentation.
L’Occident souffre depuis trop longtemps d’un ego surpuissant, démesuré peut-on dire. C’est pourquoi nos milieux intellectuels sont un terrain idéal pour que s’implante, germe et fleurisse le bouddhisme, surtout l’Occident intellectuel. De plus, à une époque où le « monde est un village », où plus personne ne peut plus ignorer ce qui se passe chez les voisins de l’est ou du sud, le besoin de re-liement se fait sentir, de nouvelles alliances se tissent.
Les occidentaux en sont d’autant plus friands qu’ils en furent privés pendant des siècles. Or le bouddhisme parle aussi de ces nouvelles alliances au monde, de ces alliances qui s’apellent d’un sommet à l’autre et résonnent de vallée en vallée. Ce qui nous relie entre nous, ce que nous avons en commun avec le vivant, du plus petit insecte au plus gros éléphant, est bien plus gigantesque que nos particularités et nos individualités, dit le Bouddha. Cette « reliance » au vivant et à la matière, ce « commun » que nous partageons avec les autres matières, vivantes et inertes, a été occulté par nos cultures, au profit de nos particularités qui, elles, font culture !
En réalité, ce rappel à l’évidence que nous appartenons à une matière commune, que nous sommes les enfants du ciel et des poussières d’étoile, nous fait le plus grand bien. C’est comme si tout à coup, on ouvrait grand les fenêtres d’une culture étouffante.
Bref, le message de l’impermanece bouddhiste plaît à l’occident intellectuel.
Alors… le nirvana bouddhiste en terres occidentales ?
Pourquoi pas ? Entre les religions théistes avec qui il partage un but de salut universel, et le matérialisme avec qui il partage l’athéisme et le sentiment d’appartenance au monde matériel, le bouddhisme est certes une étape intéressante. Cela n’empêche que le bouddhisme est et reste une religion : le but évident du bouddhisme, et clairement exprimé par le Bouddha lui-même, est le salut universel. Le salut est obtenu dès lors que l’adepte s’est totalement identifié à ce sentiment d’appartenance au monde, de sorte qu’il ne s’en distingue plus. C’est la dissolution totale, ou l’extinction, de l’ego. Je trouve cette idée très attirante, et je comprends qu’elle séduise certians scientifiques occidentaux. Il n’empêche qu’elle reste de l’ordre de l’idée : elle ne démarre pas de l’observation de la réalité mais d’un intention (obetnir la délivrance).
En observant la réalité, il n’est pas difficile de montrer que si l’être humain est en effet constitué de poussière d’étoile, il est aussi constitué d’un ego, qui le stimule autant qu’il lui fait mal, l’un se mesurant à l’autre. L’absece d’ego, ou le nirvana, est une idée séduisante, mais qui ne correspond pas à la réalité du phénomène vital duquel nous faisons partie et pour lequel tout n’est que dialectique. Dès lors, j’estime pour ma part que le dharma est une religion de salut comme les autres, mais où les (ou le) dieux brillent par leur absence.
Une religion athée dit-on parfois, qui mise sur les potentialités de l’être humain. Cela aussi est fort séduisant pour les occidentaux : un nouveau défi leur est lancé et ils s’élancent, tambours battants, à l’assaut du nirvana. Leur ego est assez opérant pour qu’ils se sentent sûr de réussir : ne s’agit-il pas de se débrouiller soi-même ? De parvenir au nirvana sans l’aide d’aucun dieu ? Eux, les occidentaux, sont certainement capables d’y arriver : n’ont-ils pas été explorer les confins de l’inconscient humain ? Ne se sont-ils pas hissé aux plus hauts sommets de la métaphysique ? N’ont-ils pas apportés à l’humanité la raison, la justice, les sciences, le développement ? Qu’ont-ils encore besoin d’un dieu pour arriver aux portes du nirvana ? D’ailleurs, n’ouvrent-elles pas, elles aussi, à un monde transcendantal ?
Car le nirvana, avec sa promesse d’existence au-delà de toute souffrance, est relativement proche de la vie éternelle proposée par le Dieu des chrétiens. Le nirvana est une existence qui se situe en-dehors de la Roue de Existences ou, en traduction pour l’occidental, qui se situe en-dehors des limites de notre vie. Le nirvana se situe dans un Au-delà, caractérisé par une absence de contradictions, une absence de différences, une absence de ce qui fait mouvement et matière. Il se situe dans un centre qui n’est que centré sur lui-même, où tout est à la fois présence et absence, unité et disparité… ne croirait-on pas à quelques phrases bibliques ?
En effet, ce qui caractérise le nirvana est qu’il est un Absolu. Il est même considéré par les maîtres bouddhistes comme l’Absolu des absolus, ayant absorbé et contenant en son sein tous les univers et tous les dieux de toutes les religions. En réalité, il ne peut en être autrement puisque le nirvana est le paroxysme de la transcendance, l’Absolu des absolus.