Un rideau d'arbres dans la vallée du Yarlung

par Elisabeth Martens, le 12 juin 2020

Quand on parle du Tibet, on imagine des sommets enneigés, des pics innaccessibles et des vastes étendues de Haut plateau où les nomades déplacent leur bétail en transhumance. Que l'agriculture joue un rôle majeur dans l'économie de la Région autonome du Tibet (RAT) ne nous vient pas à l'esprit. Pourtant plusieurs zones du Tibet sont essentiellement agricoles, entre autres, la vallée du Yarlung Zangbo. C'est la région la plus fertile de la RAT, mais elle est confrontée à un grave problème de sécheresse et de désertification.

 

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Récolte de l'orge près de Zedang en septembre 2019

 

La vallée fertile du Yarlung Zangpo approvisionne la RAT en orge, en blé d’hiver et de printemps, en légumineuses (pois et fèves), en pommes de terre, en colza, en betteraves, etc. Depuis le debut des années 2000, les marchés des centres urbains sont aussi bien achalandés en légumes verts et en fruits grâce à d'imenses étendues de serres qui s'élèvent à proximité des grandes villes de la vallée, Lhassa, Xigazé, Gyanzé, Zedang. Depuis les années 1990, les agriculteurs et les éleveurs tibétains de la RAT bénéficient d'une exemption complète d'impôts sur les revenus de leur exploitation, mesure qui a été étendue à la minorité tibétaine de la province du Sichuan en 2004. Ce sérieux coup de pouce à l'économie de première nécessité de la RAT est d'ailleurs jalousé par les agriculteurs du bassin central de Chine.

Mais depuis plusieurs décennies, le bassin du Yarlung Zangbo doit faire face à un ennemi qui semble indomptable, une sécheresse croissante et, avec celle-ci, une désertification galopante. Le long du fleuve, de Xigazé à Zedang, des dunes de sable s'élèvent formant un écran devant les montagnes rocheuses, si bien qu'à certains endroits les paysages ressemblent plus au Sahara qu'au Tibet. Il est vrai que les dunes de sable sont un paysage naturel du Tibet. Curiosités géologiques, elles ont pour origine le mouvement des plaques tectoniques qui a débuté il y a 120 à 130 millions d'années. Quand la plaque tectonique indienne est passée sous la plaque asiatique, la mer a disparu. Elle a laissé quelques souvenirs derrière elle, des roches qui s'érodent rapidement, le sol sableux et des fossiles de radiolaires, des organismes unicellulaires qui abondent dans le plancton marin. Il n’est pas rare de trouver des coquilles d’huître fossilisées dans la vallée du Yarlung.

Cependant, l'élévation rapide de ces dunes de sable n'est pas uniquement due à la tectonique des plaques. Les vents de sable arrivant du désert de Gobi situé au Nord du Haut plateau accélèrent l’érosion des sols. A cela, s'ajoutent d'autres conséquences du changement climatique : l’élargissement du trou d’ozone a provoqué la remontée de la ligne des neiges, le tarissement des lacs et la dégradation des plateaux herbeux, il est aussi à l'origine d'un ensoleillement plus important et d'une diminution des précipitations. Tous ces facteurs réunis expliquent que les dunes de sable ne soient plus une curiosité géologique mais un problème géologique.

Pour freiner la désertification du sol, le gouvernement de la RAT a programmé des plantations de grande envergure conciliant des arbres de haute futaie, des arbres en buisson et des plantes herbacées. Par ailleurs, l'exploitation du bois a été interdite. Une large bande forestière artificielle qui va de Xigaze, située sur le cours supérieur du Yarlung Zangbo, jusque Zedang, située à 300 km en aval, s'est formée après des plantations intensives. La réalisation de cet ouvrage nommé « le rideau d’arbres du Yarlung Zangbo » joue un rôle actif dans la conservation de l’eau et la préservation des sols du bassin du Yarlung Zangbo. Le département de surveillance relève que grâce à l’augmentation de la couverture des forêts artificielles, les jours de vent de sable ont nettement diminué : actuellement, à Lhassa, il y a 32 jours de moins qu’il y a 30 ans ; à Xigaze, 34 jours de moins et à Zedang, 32 jours de moins.

Le 9 juin 2020, la RAT a lancé son premier reboisement de grande envergure par avion. L'ensemencement aérien s'achèvera le 20 juin. Il devrait couvrir plus de 218.000 mu (plus de 14.533 hectares) de terres dans des zones comprenant la capitale régionale, Lhassa, et la ville de Shannan. Un total de 119,3 tonnes de semences seront utilisées durant cette mission. Selon les responsables forestiers, le reboisement par avion est rapide et adapté aux terrains montagneux.

Le reboisement intensif associé à une protection efficace des forêts naturelles a permis d’augmenter le taux de couverture végétale du Tibet : ce taux est passé de moins de 1 % dans les années 1950 à 12 % aujourd’hui. Les pentes sableuses du Yarlung Zangbo, autrefois ravagées par les vents sableux, se transforment peu à peu en oasis verdoyant et les grandes dunes se stabilisent grâce à des plantations intensives. La capacité de conservation de l’eau a augmenté, tandis que la superficie des terres désertifiées diminue progressivement. Mais la lutte contre le désert n'est pas encore gagnée pour autant, car elle est liée à la course contre les changements climatiques.

le long de la route Lhassa-Zedang, 2003
le long de la route Lhassa-Zedang, 2003
fixation des dunes de sable dans la région de Zedang en 2016
fixation des dunes de sable dans la région de Zedang en 2016
fixation des dunes de sable dans la région de Zedang en 2016
fixation des dunes de sable dans la région de Zedang en 2016
sur la route vers Xigazé en 2019
sur la route vers Xigazé en 2019

Sources :

http://french.china.org.cn/fa-book/312/2.htm

http://french.china.org.cn/fa-xizang/tibet3/gk9.htm

http://french.china.org.cn/china/txt/2014-11/26/content_34157852_3.htm

http://french.xinhuanet.com/2020-06/11/c_139131481.htm