« Pluie sèche » au Tibet

par Jean-Paul Desimpelaere, le 25 juin 2009

« Pluie sèche », voilà le sous-titre d’une photo de l’agence de presse chinoise Xinhua. Elle montre un lit de rivière à sec. « Pluie sèche » est un exemple de l’usage de la langue et de la pensée chinoises qui diffèrent fort des nôtres. Pour nous, de la « pluie sèche », cela n’existe pas, elle est forcément mouillée, ou alors il ne pleut pas. Pour la pensée chinoise, une interaction persiste entre le sec et le mouillé. Mais ce n’est pas là le sujet de cet article. Le sujet est grave : le Tibet traverse actuellement la pire sécheresse qu’il a connu depuis trente ans.

 

Sur les six départements que compte le Tibet, cinq sont sévèrement touchés. Un champ sur six subit de graves dommages, les cultures se dessèchent et ne pourront servir que de maigre fourrage pour le bétail. Les précipitations étaient inférieures à la moyenne d’environ 30% pendant les mois de mai et de juin, même de 80% pour le « grenier à céréales » du Tibet (Lhassa, Xigaze, Shannan). Un quart des stations météorologiques du Tibet n’a pas enregistré de précipitations significatives depuis sept mois. Mai et juin sont les mois de croissance des cultures, car en avril il gèle encore.

 

Un projet gigantesque de plantations d’arbres et d’herbe est mis en route (photo JPDes., 2008)
Un projet gigantesque de plantations d’arbres et d’herbe est mis en route (photo JPDes., 2008)


Cette année la récolte sera très mauvaise. En de pareils cas, sous l’ancien régime, les paysans devaient aller frapper à la porte des propriétaires terriens et des monastères pour pouvoir racheter une partie des réserves de grain en échange d’intérêts exorbitants et de travail gratuit.


Comment cela se passe-t-il aujourd’hui ? Les champs qui sont irrigués (à peu près la moitié) s’en tirent assez bien. Mais cela dépend encore du type d’irrigation : les résultats ne sont pas les mêmes si elle vient d’une rivière bien fournie, d’une source ou d’un puits. Certains puits profonds de dix mètres sont complètement à sec. Pour le moment, des forages plus profonds ou un apport d'eau supplémentaire par des camions citernes sont organisés par les autorités locales. L’armée intervient aussi pour alimenter en eau potable les villages isolés et pour aider à l’arrosage des légumes dans les serres.


Les villages les plus touchés sont ceux dont les champs ne sont pas irrigués. Une sorte de « fonds de calamité » de 4 millions d’euros vient compenser le manque à gagner pour ces agriculteurs, soit environ 500 euros par famille, une somme modique. L’accent est mis en priorité sur le sauvetage des récoltes. D’après les autorités locales, déjà 13.000 têtes de bétail (sur 20 millions) sont mortes des suites de la sécheresse.


Le problème de la sécheresse au Tibet risque de s’aggraver avec les changements climatiques planétaires. Une étude réalisée par des géologues chinois, parue dans le « Journal of Geographic Sciences », Volume 16, 3, montre que la région située autour de l’Everest au Tibet, se réchauffe plus vite que le réchauffement moyen dans le reste du monde : 0,3° C par décennie pour 0,15° C dans le reste du monde.

Ceci démontre que les territoires situés à haute altitude sont plus sensibles au réchauffement global de la planète, dont les pays occidentalisés sont principalement responsables, ce qui sciemment passé sous silence.


La température moyenne au Tibet a augmenté ces trente dernières années d’un peu plus d’1°C et les précipitations ont diminué de quelques dizaines de mm/an. Ce printemps, la température moyenne était 2°c au dessus de la moyenne normale. Avec le réchauffement, des nuées de sauterelles sont tombées sur le Tibet... peut-être l'avant-garde d’une guerre bio ? Chez nous, les bobos-bios bien-pensants dont les paroles hautement « spirituelles  et écologiques » ne font que matraquer le gouvernement chinois nous font croire que le problème de la désertification (voire même celui du désert de Gobi!) serait l’œuvre de sa « gestion irrationnelle sans aucun soucis pour l’homme ».  


Chaque année, le désert avance de 400 km² au Tibet, ce qui est énorme. Le gouvernement Tibétain interdit le pâturage sur environ 1 million de km². À côté de cela, il finance des projets pour replanter de l'herbage, à la main, sur des surfaces énormes. L’objectif est d’arrêter la désertification d’ici 2010 et de replanter la moitié des pâturages d’ici 2020.


Mais ce n'est qu'au Tibet que la sécheresse pose problème, tout le nord de la Chine est aussi touché. Dans la province du Ningxia, plus d’un million de personnes subissent une pénurie en eau potable et en nourriture.