Deux lettres de “bonne année” de la part du 14e dalaï-lama

par Jean-Paul Desimpelaere, le 8 mars 2009


Le 26 janvier 2009, le 14ème dalaï-lama publiait une lettre avec ses « vœux de bonne année pour tous les Chinois », ceci à l’occasion du Nouvel An Chinois. Le 24 février, il en écrivait une autre pour « tous les Tibétains » à l’occasion du Nouvel An tibétain. Les lettres ne contiennent pas de message religieux, ni de considérations philosophiques, elles ne sont pas imprégnées d’une haute spiritualité. Ce sont deux manifestes politiques, du début à la fin. Chez nous, s'ils émanaient d'un archevêque, nous renverrions de pareils pamphlets à leur expéditeur.

 

En guise d’illustration, voici quelques fragments de ces lettres qui sont parfois à lire entre les lignes !  Par exemple, dès le début, le dalaï-lama ouvre sa lettre de « bonne année à tous les Chinois » par « mes frères et mes sœurs », tandis qu'il commence sa lettre de « bonne année à tous les Tibétains » par « nous, les Tibétains ». D'emblée, il est clair que pour lui la Chine est un autre pays.

Dans sa lettre « à tous les Chinois », il salue d’abord la diaspora chinoise et ensuite les Chinois de « l’intérieur de la Chine ». Il donne ainsi priorité aux Chinois qui se sont libérés du socialisme et ont quitté le pays. Il compte d'ailleurs beaucoup d'amis parmi les dissidents chinois. Il existe une complicité entre l’ex-élite tibétaine résidant à l’étranger et les Chinois qui ont combattu le système socialiste de la Chine et qui ont quitté le pays.

Puis il se tourne vers les Chinois de l'intérieur du pays qui d'après lui ne sont pas libre de penser ce qu'ils veulent et qui « ne peuvent pas savoir ce qui se passe dans le monde, car ils n’ont pas le droit de regarder la BBC ni la CNN. »  « J’en suis profondément déçu, » ajoute-t-il. Dans sa lettre « à tous les Chinois », il soutient ouvertement les « opposants de l’intérieur de la Chine qui se dévouent à la lutte pour la liberté, la démocratie, la justice, l’égalité et les droits de l’homme » « Nous pouvons être fiers de ces personnes-là, » conclut-il.

Ne faut-il pas entendre par là qu’il n’est pas fier des centaines de millions de Chinois qui défendent le système sociopolitique chinois ? Ce n’est donc pas une lettre de bonne année à « tous les Chinois », mais seulement à « certains » Chinois.


Venons-en à sa lettre « à tous les Tibétains ». Il commence par glorifier les incidents du 14 mars 2008 à Lhassa et les décrit comme une « résistance héroïque ».

Or nous savons, par des témoignages de touristes, qu’il s’agissait de lynchages et d’incendies criminels perpétrés par des bandes de jeunes tibétains. « J’ai une énorme admiration pour l’enthousiasme, pour la fermeté et pour l’esprit de sacrifice des Tibétains au Tibet » écrit-il en guise de saints encouragements.

« Mais, » dit-il, « il est difficile d’atteindre notre but en sacrifiant des vies. » Traduisons que ce n'est ni ‘impossible’ ni ‘à exclure’, il dit simplement que c’est « difficile », sans doute en se rappelant l’échec de sa guérilla de 1956 à 1974. Concernant les incidents de mars 2008, il parle de « centaines de morts parmi les Tibétains et de milliers de prisonniers torturés », sans que « son administration » en rapporte des faits réels.

Le gouvernement local tibétain à Lhassa a pourtant publié une liste des morts (19 décès, surtout des musulmans et des Han) et des condamnés (76 personnes passées devant le tribunal).


Le 14ème dalaï-lama ajoute une leçon de morale destinée aux Tibétains : « Menez des actions positives qui mettront en valeur les actes des martyrs tibétains tombés lors des événements tragiques de l’année passée afin que ces martyrs puissent accéder au nirvana, car leurs actes étaient justes. » Il indique lui-même ce qu’il entend par « actions positives » : « les Tibétains subissent une telle cruauté et sont tellement tourmentés qu’ils n’ont pas d’autre choix que de se révolter ». Il s'agit ici d'un appel clair et sans réserves à reproduire les incidents de l’année passée (lynchages, incendies), ceci deux semaines avant le 14 mars !

 

P.-S.
Ces deux lettres se trouvent, entre autres, sur le site de « International Campaign for Tibet » et sur le site personnel du 14ème dalaï-lama.