Les couleurs du Tibet

par Jean-Paul Desimpelaere, le 7 septembre 2009

Le Tibet chatoyant, le Tibet ennivrant, mais quels messages transportent ces couleurs vives ?

Au Tibet, le jaune (ocre ou or) est avant tout la couleur du corps de Bouddha. Les murs des chambres et des salons privés des éminents lamas et des tulkus ont pris cette même couleur, ainsi que leurs habits et objets rituels. Padmasambhava, le Bouddha du Sud ou le Dhyani Bouddha est lui aussi représenté en jaune et a donné sa couleur à l’école Gelugpa ou "Ecole des Bonnets jaunes". Dans l’opéra tibétain, "le jaune" représente un moine éminent, tandis que, parmi les cinq couleurs des drapeaux de prières, le jaune est celui du centre, il représente la terre, comme pour les Chinois Han.

Le rouge est surtout la couleur du kasaya, le manteau du moine, originaire d’Inde, où cette couleur était ordinaire, c'était la couleur du peuple dans l’Inde d’autrefois. Les bouddhistes indiens ont adopté cette couleur en guise de protestation contre les tenues baroques des princes et des membres de la noblesse. Les moines montraient ainsi leur désintérêt pour l’aspect extérieur, leur détachement du matériel. Mais au Tibet, le rouge a été doté de vertus magiques et est devenu "le rouge des lamas”. Le rouge dans un mandala représente l’Ouest, la terre du bonheur suprême, habitée du Bouddha Amitabha. Le rouge est devenu synonyme de pouvoir dans le bouddhisme tibétain. Dans l’opéra tibétain, "le rouge" représente le roi, et "le rouge clair", son premier ministre.

Le bleu, aussi appelé "bleu tibétain", est la couleur la plus populaire au Tibet. Les drapeaux de prière bleus représentent la voûte céleste et le Bouddha Vairochana qui occupe une position centrale parmi les cinq bouddhas. Le bleu dans l’opéra tibétain représente le chasseur. Pour les Tibétains, le bleu, dans la vie quotidienne ou dans le décor, apporte le bonheur, tandis que dans les temples, le bleu foncé représente les démons protecteurs. Le bleu tibétain rappelle la crainte du pouvoir et de la force.

Le noir est la couleur de base pour beaucoup de Tibétains. Pourtant, le noir est lié aux forces obscures. Une tête de yak noire tient lieu d’exorcisme. Vêtements et tentes sont noirs, faits de pulu, des poils de yak. Le noir possédait une place spéciale dans la religion bön, il était la couleur des imposants dieux protecteurs. Dans l’opéra tibétain, une figure en "noir et blanc" est utilisée pour un personnage possédant un double caractère, une double face.

Le blanc était la couleur de l’éléphant sur lequel était assis le Bouddha Sakyamuni, dans le rêve de sa mère, avant sa naissance. L’éléphant blanc est parfois remplacé par un cheval blanc ou un yak blanc. C'est aussi la blancheur de la fleur de lotus et de la pagode blanche.  Et puis, il y a aussi l’inévitable hada, cette écharpe blanche d’accueil. Pour les Tibétains, le blanc représente la pureté, le détachement, la gentillesse, l’inclinaison positive et le désir de liberté. Dans les mandalas, le blanc est utilisé pour l’Est et le Bouddha Vajrasattva. Les drapeaux de prière blancs représentent les nuages dans le ciel. Dans l’opéra tibétain, le blanc est le symbole de la virilité. Sans oublier les murs des maisons qui sont peints en blanc, et les pierres mani, blanches, elles aussi.

Le vert représente le Nord dans les mandalas, et le Bouddha Amoghasiddhi, symbole de la carrière. Les drapeaux de prière verts représentent l’eau, et dans l’opéra tibétain, les "verts" sont utilisés pour les interprètes féminins.

 

Couleurs tibétaines (JPD 2007)
Couleurs tibétaines (JPD 2007)