Une gestion des terres semi-privée

par Jean-Paul Desimpelaere, le 20 avril 2008

Au cours d’un voyage au Tibet, j’ai cherché à connaître quel était le régime de la propriété des terres. On m'a répondu qu’elle était privée, mais j’ai rapidement compris que mes interlocuteurs ne donnaient pas à ce terme la même signification que moi. En fait, ce ne sont que les fruits du travail sur les terres qui sont privés, et encore avec des nuances, et pas la propriété. Ceci dit, il ne faut pas s’en étonner, car c’est aussi le cas en Chine.

 

Dans ce pays où la plupart des révolutions furent des révolutions paysannes, le problème de la répartition de la terre s’est posé depuis des temps très anciens.

Dès la première constitution chinoise (en 1039 avant J-C), le roi et par lui les seigneurs sont seuls propriétaires de la terre chinosie. Le pays est divisé en 9 provinces, elles-mêmes divisées en fiefs. Chaque fief est morcelé en carrés (théoriques!) de 360m de côté : ce sont les « Jing Tian » opu « Puits et Champs ». Chacune de ces terres est elle-même divisée en 9 parcelles avec un puits central commun. Le Jing Tian sert à nourrir 8 familles, la production de la neuvième parcelle va exclusivement au seigneur du fief. Cette division en 9 parcelles se retrouve d'ailleurs dans l'architecture du « Ming Tang » ou « Palais de la Clairvoyance », lieu où le roi prend les grandes décisions pour l'année qui vient.

Durant la dynastie des Tang (618-907), cette distribution des terres est remise à l'honneur pour  éviter la concentration des biens dans les mêmes mains. Ce n’est donc pas Mao qui est à l’origine d’un système d’affectation des terres non privé, il n’a fait que reprendre des idées traditionnelles en Chine.

En R.A.T., les terres ont été redistribuées aux paysans en 1982 (lors de la réforme agraire) afin qu'elles soient cultivées, ceci pour une durée indéterminée. Ailleurs en Chine, les agriculteurs ont dû louer des terres à l'année à l'Etat.

Depuis peu, Pékin envisage, non pas de privatiser la possession de la terre, mais de rendre cessible son droit d’usage afin que les paysans migrants puissent quitter leur village avec un pécule. Cependant, la réglementation peut varier de région à région. Dans certaines, les paysans peuvent louer leurs terres à d’autres paysans.  La Chine n’est vraiment pas ’standardisée’ comme on le croit souvent ici. En plus, l'évolution des législations étant très rapide, d'ici un an ou deux, ce sera à nouveau différent.

 

dans une petite maison en bord de route à la frontière Sichuan-Tibet, les villageois sont consicnet de ce qu'ils doivent à Mao (photo JPDes, 2007)
dans une petite maison en bord de route à la frontière Sichuan-Tibet, les villageois sont consicnet de ce qu'ils doivent à Mao
(photo JPDes, 2007)