Gaza, une répétition générale d'une guerre contre la Chine ?

par Elisabeth Martens, le 22 mai 2025

Aujourd’hui, j'ai lu un article terrifiant posté sur « Defend Democracy Press, The Newsletter of The Delphi Initiative Website » (1). L'auteur en est un journaliste italien, Roberto Iannuzzi. Sans doute suis-je encore trop naïve ou pas assez préparée pour réfléchir à Gaza en des termes aussi machiavéliques. Iannuzzi soutient que ce massacre monstrueux est une sorte de « répétition générale » d'une future guerre totale que les États-Unis comptent mener contre la Chine, une répétition qui permet aux experts étasuniens de tester le taux d'horreur que nous sommes capables de supporter, ingérer, digérer sans bouger.

 

 

 

 

Iannuzzi cite une enquête du magazine américain The New Yorker intitulée « What's Legally Allowed in War » (Ce qui est légalement autorisé en temps de guerre), largement ignorée par les médias. Cette enquête « contribue à clarifier le dangereux précédent créé par le massacre en cours à Gaza. Le rapport, rédigé par Colin Jones, décrit comment les experts juridiques de l'armée américaine réagissent à l'opération militaire israélienne à Gaza, qu'ils considèrent comme une sorte de « répétition générale » en vue d'un éventuel conflit futur avec une puissance telle que la Chine. »

Le journaliste italien explique que la guerre et le massacre menés à Gaza sont un « exercice », un « test » du taux d'acceptation des populations occidentales face à l'horreur d'une guerre : jusqu'où pouvons-nous accepter, sans trop de réactions, l'abomination qui se déroule sous nos yeux?

Selon lui, ce test est suivi de près par l'armée américaine car il sert les objectifs futurs de destructions massives dans la région du Pacifique, principalement en Chine avec laquelle les États-Unis ont entamé une guerre économique et technologique. Cette dernière ne serait qu'un prélude à une guerre d'anéantissement des populations et des mégapoles chinoises. Iannuzi écrit : « Dans un tel scénario, appelé dans le jargon militaire « opération de combat à grande échelle » (LSCO), un conflit militaire extrêmement violent se déroulerait dans de multiples domaines - aérien, terrestre et maritime. »

Si cette thèse est crédible, - et de plus en plus d'indices portent à la croire, notamment les billions de dollars et d'euros que les États-Unis et l'Otan s'apprêtent à collecter pour renforcer leur armement - le journaliste italien est muet quant à la possibilité de réaction de la part du pays concerné. La Chine est pourtant déterminée à empêcher une telle barbarie. Elle l'a démontré en construisant un maillage dense de routes économiques et culturelles reliant les cinq continents entre eux et en engageant des relations bilatérales avec les pays du Sud.

Les Occidentaux ne peuvent faire fi de cette puissance diplomatique déployée par la Chine, même si elle est bien souvent mise à mal par les États-Unis toujours à l'affût de la moindre faille de l'unité chinoise. Preuve en fut avec le Tibet et le dalaï-lama mis au service de la CIA depuis les années 1970, puis avec la campagne sinophobe lancée par les États-Unis à propos de la soi-disant persécution des Ouïghours, sans oublier l'île de Taïwan qui sert de boutefeu dès que l'occasion se présentera.

Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, les États-Unis n'ont cessé de discréditer la Chine, de tenter de la diviser afin de l'épuiser et de l'anéantir. La Chine en est consciente et prévoit l'assaut final. Forte de la conviction que le système occidental ne peut aller qu'à sa perte, la Chine a renforcé son unité tout en mettant en place un réseau de relations internationales imparable.

L'Initiative des nouvelles Routes de la soie (Belt and Road Initiative, ou BRI) lancée par Xi Jinping en 2013 et les liens créés entre les pays membres des BRICS+ et du RCEP rassemblent maintenant jusque 60% de la population mondiale, 30% du PIB mondial et plus d'un tiers du commerce international réparti en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe. Surtout, et c'est là l'essentiel, ces alliances sont en passe de faire basculer l'économie mondiale vers un nouveau modèle, laissant derrière nous les infamies semées par le « monstre capitaliste », tel que Jean Ziegler l'a nommé.

Iannuzzi prévient que Gaza a créé un précédent terrifiant : « la réinterprétation radicale des lois de la guerre ne manquera pas d'avoir de graves conséquences sur le caractère destructeur des futurs conflits, y compris une guerre entre les États-Unis et la Chine. Ce qui se passe à Gaza ne restera pas confiné à Gaza, pourrait-on dire, car c'est le symptôme d'un malaise plus large qui érode la civilisation occidentale. L'ordre international représenté par les Nations unies depuis 1945 et le rôle de garant du droit international que les États-Unis ont longtemps revendiqué pour eux-mêmes sont également enterrés sous les décombres de Gaza. »

Nous savons qu'aujourd'hui, les États-Unis constituent la plus grande menace pour la vie au niveau planétaire et le plus grand défi pour la démocratie, la justice et la paix. Enchaînés à des convictions néolibérales et dans la perspective d'une guerre totale avec la Chine, les experts juridiques militaires étasuniens réinterprètent actuellement les lois de la guerre. Cependant, la Maison-Blanche n'a aucune priorité ni aucune autorité sur la législation de la guerre. L'ONU est la seule instance internationalement élue et crédible pour légiférer sur le maintien des règles en la matière.

Dès lors, il est urgent de faire revivre concrètement les principes de justice et d'équité sociale qui sont chers à la Charte des Nations unies, ceci de manière indépendante des États-Unis. L'initiative de la BRI et les liens noués par les BRICS+ et le Sud global peuvent faire renaître l'esprit initial de l'ONU, comme voies de coopération avec les pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine et avec tout autre pays qui entend participer à l'effort de paix et de construction d'une « communauté de destin ».

À l'instar de la résistance acharnée des Viet-Congs dans les années 1970, les pays du sud se dresseront contre la barbarie étasunienne dont Trump n'est que le vil et dernier représentant. Ilan Papé nous rappelle que « dans les mouvements idéologiques, qu'ils soient coloniaux ou des empires, c'est le dernier chapitre qui est toujours le plus impitoyable, le plus ambitieux ». S'il le dit à propos « du sionisme de Netanyahou qui ne fait qu'achever le travail commencé en 1948 », Papé ajoute que la présidence de Trump ne peut que dégrader l'économie américaine et conduire lentement à une diminution de l'implication des États-Unis au Moyen-Orient. (2) C'est la Chine que vise maintenant le dernier des (néo)cons.

En prévision d'un tel scénario catastrophe, la Chine a élaboré patiemment une réponse diplomatique de grande envergure, elle s'est attachée à construire un socle économique solide à la BRI en cofinançant l'installation d'infrastructures dans les pays signataires, - routes, ports, TGV, voies ferroviaires, gazoducs, oléoducs, etc. - et a initié avec eux des coopérations économiques « win-win ». Elle entretient avec ces pays des relations où prime le respect des principes de souveraineté nationale, d'égalité entre États et de non-ingérence dans leur politique intérieure.

La Chine se fait porte-parole des États membres de la BRI, des BRICS+ et du RCEP, soit 60% de la population mondiale qui optent pour les voies diplomatiques de réconciliation. Elle est en position de redresser et faire revivre les principes de paix de la Charte de l'ONU amenant les pays membres à développer une nouvelle mentalité, une autre manière de réfléchir, de dialoguer et d'échanger. Chaque nation peut retrouver sa place correcte sur l'échiquier mondial. Les conflits d'intérêts persistent, ils existeront toujours, mais ils peuvent se résoudre dans le respect mutuel afin de garantir et de maintenir la paix.

Que fait l'Europe ? Où se situe-t-elle ? Va-t-elle s'obstiner à suivre une politique qui la mène à l'opposé de ses valeurs ? L'Europe sera-t-elle assez inconséquente pour ne pas emboîter le pas aux cinq milliards de personnes qui veulent à tout prix éviter une troisième guerre mondiale ? Les Européens ne sont-ils pas en droit d'exiger une réponse claire ?

 

Sources :

(1) https://www.defenddemocracy.press/gaza-the-us-and-china-the-future-of-war-and-the-end-of-civilisation/
(2)
https://www.youtube.com/watch?v=Tjw9dQsXlpg