Le dalaï lama revendique une autonomie poussée pour le Tibet

par Jean-Paul Desimpelaere, le 29 novembre 2008

Lors d’une conférence de presse qu'il a tenu au Japon au début du mois de novembre 2008 (voir agence AFP dans « Le Soir » du 4 novembre), le 14e dalaï-lama a déclaré que sa demande pour « plus d’autonomie au Tibet » -  qui remplaçait son ancienne revendication d'indépendance - avait échoué. « Ma confiance dans le gouvernement chinois a diminué d'autant ; la répression, quant à elle, est en  augmentation ; je ne peux pas dire que tout va bien. Je dois admettre que nous n’avons pas réussi, nos projets pour amener des changements ont échoué et, dans un même temps, les critiques à l’intérieur de la communauté tibétaine en exil fusent », a-t-il déclaré.


A présent, il enjoint les Tibétains à garder « toutes les options ouvertes ». Par « toutes les options » veut-il dire aussi « œuvrer non pacifiquement en vue de l’indépendance » ? Beaucoup de voix vont dans ce sens au sein de la communauté tibétaine vivant à l’étranger, mais ces voix ne se feront entendre qu’après en avoir référé à leurs sponsors, principalement les États-Unis.
Le gouvernement chinois se dit particulièrement outré de l'accord tacite du 14e dalaï-lama pour un appel à la violence lancé au sein de la communauté tibétaine à l’étranger. Il parle de « rupture de promesse » ; en effet, pendant les négociations de juillet 2008, les deux représentants du 14e dalaï-lama disaient « ne pas vouloir utiliser la force » et « ne pas vouloir atteindre l’indépendance à tout prix» (voir Xinhua, 11 novembre).


Du 17 au 22 novembre 2008, 580 délégués de la communauté tibétaine se réunissent à Dharamsala. C’est la première fois qu’une rencontre d’une telle ampleur a lieu à Dharamsala et que la presse internationale y fait écho. Il est à noter que ce rassemblement ne pourrait  avoir lieu sans une organisation préalable et sans le soutien de stratèges internationaux.

D’emblée, le ton a été donné à la conférence par le 14e dalaï-lama en personne : « la voie du milieu a échoué », a-t-il déclaré solennellement. Il trônait humblement sous son propre portrait couvrant l'entière superficie de la tribune. Cela avait déjà été dit par de nombreux expatriés au cours de ces dernières années, mais les paroles du dalaï-lama ont sanctifié le propos.

Quant au premier ministre du « gouvernement en exil », le lama Samdhong Rinpoché, il a déclaré dans son discours d’ouverture que « la situation au Tibet s’aggrave et devient intenable ». L’issue de ce rassemblement semble prévisible : le « gouvernement en exil » recevra un mandat clair de la part de la diaspora tibétaine pour s’opposer davantage au gouvernement chinois, « l’autonomie » risque de redevenir une « véritable indépendance ».


Début novembre, deux représentants du dalaï-lama avaient pourtant négocié un nouveau « mémorandum » avec les autorités chinoises, comprenant des propositions concrètes concernant l'autonomie du Tibet.

On y trouve entre autres les quelques points suivants :

  • *la création d’une seule entité administrative d’un « Grand Tibet »
  • *l’utilisation de la seule langue tibétaine dans cette entité
  • *la réadmission d’enfants-moines dans les monastères
  • *le non contrôle des monastères et des réincarnations par l’administration chinoise
  • *la reconnaissance des cours de psychologie, de métaphysique et de cosmologie bouddhistes, cours devant être consignés comme scientifiques
  • *la transformation du Tibet en réserve naturelle avec la réintégration des manières de vivre traditionnelles
  • *la redistribution de toutes les terres aux Tibétains
  • *l'autogestion du Tibet, sans subsides de l’État central
  • *un appareil policier indépendant avec une législation propre
  • *un arrêt de l’immigration de non-Tibétains et le rapatriement des Han et des autres nationalités récemment arrivées
  • *la création d’un bureau chargé des relations internationales concernant la culture, l’art, l’enseignement, les sciences, la santé, le sport, la religion, l’écologie, l’économie, etc.
  • *une représentation au niveau international concernant tous les domaines cités (« The Official Website of the Central Tibetan Administration » ou « gouvernement en exil »)

 

Le 14e dalaï-lama et son « gouvernement en exil » avait déjà aligné d'autres conditions à « l'autonomie poussée du Tibet », comme par exemple :

  • *la volonté que l’armée chinoise sorte du « Grand Tibet »
  • *le multipartisme
  • *le rapatriement des Tibétains en exil en leur accordant un poste de cadre
  • *une constitution propre basée sur le bouddhisme

 

L’ Assemblée du Peuple tibétain  va probablement lancer une sorte d’ultimatum au gouvernement chinois, du type : « si nos propositions ne reçoivent aucune réponse positive, alors nous abandonnerons notre exigence modérée d’autonomie ». Autrement dit : « nous revendiquons l'indépendance »

Le mont Meili, nord du Sichuan à la fonrtière du Tibet (2007)
Le mont Meili, nord du Sichuan à la fonrtière du Tibet (2007)