L'Arunachal Pradesh, une ancienne dispute entre la Chine et l'Inde

par Jean-Paul Desimpelaere, le 21 mars 2010

En novembre 2009, le 14ème dalaï-lama s’est rendu dans la région d’Arunachal Pradesh en Inde... que venait-il y faire ? L’Arunachal Pradesh couvre un territoire équivalant à environ deux fois la Suisse. Il est situé dans l’extrême nord de l’Inde, entre le Bhoutan et le Myanmar et partage une frontière avec le Tibet chinois. Il en faisait même partie jusqu’en 1913.

 

En 1913, l’Accord de Simla signé par l’Angleterre et le 13ème dalaï-lama, a annexé cette région boisée aux Indes Britanniques. A cette époque, la Chine était trop faible pour réagir (période de la première République chinoise), mais elle n’a jamais reconnu l'accord de Simla. Cela signifie que pour elle, ce territoire de l’Arunachal Pradesh (renommé ainsi par l’Inde) fait toujours partie de la Chine. C'est une position qu’elle défend encore aujourd’hui.

En 1962, quelques anicroches autour de la frontière ont fait que durant de longues années les relations entre les deux pays sont restées tendues. Cela dura jusqu'au début du deuxième millénaire alors que la Chine devient le deuxième partenaire commercial de l’Inde au niveau international. En 2003, les deux pays ont décidé de créer une commission commune afin de déterminer un tracé définitif de leur frontière commune : la Chine réclame l’Arunachal Pradesh et l’Inde revendique un territoire tibétain situé au nord du Cachemire. Les négociations vont bon train et une collaboration nouvelle s'établit entre les deux grands.

La visite du dalaï-lama en 2009 est venue mettre de l'huile sur le feu et a rallumé d'anciennes dissensions. Quelques jours avant son arrivée en Arunachal Pradesh, le dalaï-lama était à Tokyo où il a dit de vive voix qu'il soutenait le point de vue indien, rattachant l’Arunachal à l’Inde (AFP, 31/10/09). Il a profité de son allocution pour encenser la démocratie indienne et critiquer ouvertement le système chinois, son parti unique et sa "presse d’état" (AFP).

A Tawang, la petite ville d’Arunachal Pradesh où il s’est posé avec son hélicoptère privé, il a déclaré qu’il n’était présent que pour assurer un enseignement bouddhiste. Or dans son discours d'arrivée, il annonce directement la couleur en répétant son accord avec la position indienne concernant l'Arunachal Pradesh (Agence de presse indienne ANI, 8/11/09). Les environs étaient d'ailleurs envahis de drapeaux du mouvement d’indépendance du Tibet. Quant au premier ministre indien, Manmohan Sinh, il a déclaré à son collègue chinois Wen Jiabao que le dalaï-lama restait le bienvenu sur le territoire indien, qu’il pouvait y voyager à son gré, mais qu’il lui était interdit de se mêler de politique.

La visite du dalaï-lama en Arunachal Pradesh et les déclarations auxquelles elle a donné lieu semblent donc plus politiques que religieuses. En donnant publiquement sa bénédiction au point de vue indien concernant le différend frontalier, il essaye d’irriter la Chine. En même temps, il soutient les forces indiennes qui seront moins enclines au dialogue avec la Chine. C'est une attitude qu’il ne pouvait pas se permettre puisqu’il n’était pas supposé se mêler de politique indienne, cela a été relevé avec étonnement par le quotidien indien le plus en vue (The Hindu, 13/11/09).

Mais il se pourrait qu’il y ait encore une autre lecture des déclarations du dalaï-lama. D'importants stratèges américains, notamment Brezinski, conseiller de Barak Obama, note que le rapprochement entre la Chine et l’Inde est observé d’un œil méfiant par Washington. Le dalaï-lama aurait-il prêté une oreille compatissante à ceux qui le soutiennent et le financent ? Aurait-il sciemment lancer un bâton dans les roues d'un dialogue qui s'ouvrait enfin entre la Chine et l’Inde ?

Aux provocations camouflées du dalaï-lama, la Chine répond que le problème frontalier avec l’Inde sera réglé lorsque le dalaï-lama ne sera plus, elle n'est pas pressée, et elle ajoutte que « nous ne craignons pas 130.000 séparatistes tibétains à l’étranger, ils ne sont finalement qu’une petite minorité, même s’ils disposent d’un vaste réseau de propagande à travers le monde. Nous espérons que les pays occidentaux comprendront qu’il vaut mieux collaborer avec nous au lieu de soutenir ce petit groupe. » (Xinhua)