Deux absences remarquées aux funérailles de Nelson Mandela, celle du dalaï-lama et celle du Premier ministre israélien

par André Lacroix, le 20 décembre 2013

Les funérailles de Nelson Mandela ont été marquées notamment par l’absence remarquée de deux personnalités, celle du Premier ministre israélien et celle du dalaï-lama. Benjamin Netanyahu a invoqué le coût du voyage en Afrique du Sud pour sécher les obsèques de Mandela. Quant au dalaï-lama, son porte-parole a déclaré : « logistically it’is impossible at this time ». Les raisons alléguées (économiques ou logistiques) ne sont évidemment que des prétextes.

 

Netanyahu, premier ministre d’un pays pratiquant l’apartheid pouvait difficilement célébrer le champion de la lutte anti-apartheid. Il faut se souvenir qu’Israël a longtemps entretenu des relations très étroites avec le régime de l’apartheid, plus encore que nombre de pays occidentaux. Au point de pousser les États-Unis à menacer de remettre en cause leur généreuse aide militaire annuelle à l’État hébreu sous le gouvernement de Yitzhak Shamir (1986-1992), en raison de ses liens avec les autorités blanches de Pretoria.

Netanyahu n’avait sûrement pas envie que certains fassent la comparaison entre les arrogants Afrikaners et les arrogants colons sionistes. Il n’aurait pas aimé que certains dénoncent l’apartheid pratiqué en Israël. Il n’aurait pas aimé qu’on lui rappelle le rôle joué par le boycott international dans la chute de l’apartheid en Afrique du Sud, en évoquant les conséquences prévisibles d’un boycott similaire sur l’État juif. Il n’aurait pas aimé qu’on lui rappelle l’intelligence de Frederik de Klerk libérant Nelson Mandela, alors que Marwan Barghouti croupit toujours en prison.

Il n’aurait pas aimé surtout qu’on lui cite publiquement les paroles de Mandela en 1997 : « Nous savons très bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. »

 

Quant au dalaï-lama, s’il ne s’est pas rendu aux funérailles de Nelson Mandela, s’il a dû se contenter d’exprimer de loin « sa tristesse d’avoir perdu un ami cher », c’est tout simplement parce qu’il n’a pas obtenu de visa. Desmond Tutu a beau protester : le dalaï-lama est toujours considéré comme persona non grata par les dirigeants d’Afrique du Sud. Outre qu’il n’était pas possible pour le Gouvernement d’Afrique du Sud de recevoir à la fois le représentant du gouvernement de la République populaire de Chine et le représentant, quoi qu’il en dise, d’un « gouvernement tibétain en exil », l’ANC n’est pas près d’oublier que le dalaï-lama (descendant d’un régime qui pratiquait le servage, et longtemps financé par la CIA) n’est, à ma connaissance, jamais intervenu pour que soit libéré Nelson Mandela (comme il le fera plus tard en faveur de Pinochet !), tandis que la République populaire de Chine, elle, l’a très tôt soutenu financièrement et moralement.

Il est de bon ton en Occident, même dans les milieux progressistes, de comparer le sort des Tibétains et celui des Palestiniens. C’est un amalgame qui ne repose sur rien, comme je le montre dans mon article Palestiniens,Tibétains : même combat ?, publié sur le site www.tibetdoc.eu, (rubrique : Enjeux internationaux ; sous-rubrique : L’Occident juge). S’il fallait absolument faire une comparaison, ce serait entre le lobby sioniste et le lobby des indépendantistes tibétains, qui, grâce à leur mainmise sur les médias, réussissent souvent à accréditer n’importe quelle contre-vérité.

Il existe toutefois des Tibétains du Tibet qui, par leur engagement et leur stature morale, soutiennent la comparaison avec Nelson Mandela. Ainsi, Tashi Tsering, un grand monsieur que j’ai eu l’honneur et la chance de rencontrer deux fois à Lhassa. Lire à ce sujet : Tashi Tsering : un Nelson Mandela tibétain (publié par Golias Mag. 149-150, repris sur www.tibetdoc.eu)