Quel rapport entre le dalaï-lama, un dissident chinois et le Hudson Institute?

par Albert Ettinger, le 9 mars 2017

Han Lianchao, qui vient de défendre le dalaï-lama sur les sites web The Tibet Post international et France-Tibet et qu’on nous présente comme un « dissident chinois » vivant aux États-Unis (1), est surtout un « Visiting Fellow » du Hudson Institute. Cet important « think tank conservateur » basé à Washington se consacre à promouvoir un « leadership international des USA fort et engagé. »

 

Le fondateur du Hudson Institute, en 1961, fut le « stratège militaire » Herman Kahn, ancien membre de la RAND Corporation qu’il quitta, ensemble avec plusieurs de ses collègues, après le scandale autour de son livre On Thermonuclear War (« À propos de la guerre thermonucléaire »).

Les premiers projets de recherche du Hudson Institute portaient justement sur le sujet de « l’utilisation interne et militaire de la force nucléaire » qui, par le biais d’une vive controverse, avait fait démissionner Herman Kahn de la RAND et mené à la création du Hudson.

 

L’homme qui aimait la bombe H

Herman Kahn avait d’abord rejoint la RAND Corporation grâce à son ami Samuel Cohen, le futur inventeur de la bombe à neutrons. Il « a été impliqué dans le développement de la bombe à hydrogène », se rendant au Lawrence Livermore Laboratory dans le nord de la Californie pour collaborer étroitement, entre autres, avec Edward Teller. Il acquit une grande notoriété pour avoir analysé les conséquences éventuelles d’une guerre nucléaire et avoir donné des conseils visant à augmenter les chances d’y survivre. Le cinéaste Stanley Kubrick s’en est inspire pour son fameux film satirique de 1964 Docteur Folamour ou : comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe.

 

Dans le cas d’une guerre thermonucléaire, qu’il y ait des centaines de millions de mort ou que seulement quelques grandes villes soient anéanties, peu importe, la vie continuera – telle était la thèse principale défendue par M. Kahn qui rejetait les habituels scénarios d’une « apocalypse » thermonucléaire. Aussi dévastatrice qu’une telle guerre puisse être, argumentait Kahn, les survivants ne vont pas envier les morts, mais vivront dans des conditions peut-être difficiles, mais passables. La guerre nucléaire est donc une réelle option, et on peut la gagner. Si on ne partait pas de cette conviction, toute la stratégie de dissuasion nucléaire ne serait qu’un grand bluff.

 

Un extrémiste enragé, partisan d’une guerre totale au Vietnam

Entre 1966 et 1968, quand la guerre du Vietnam battait son plein, Kahn était conseiller auprès du Département de la Défense et s’opposait à ceux qui envisageaient d’entamer des négociations directes avec la République démocratique du Viêt Nam. Il était partisan d’une solution militaire du conflit et d’une escalade à outrance.

 

En 1983, peu avant sa mort, il publia The Coming Boom: Economic, Political, and Social, où il soutenait les plans de l’administration Reagan tout en raillant les affirmations de Jonathan Schell au sujet des effets à long terme d’une guerre nucléaire mondiale.

 

Le Hudson Institute continue dans la même voie

En 1987, Mitch Daniels, un ex-assistant du sénateur républicain Richard Lugar et du Président Ronald Reagan (celui de l’ « Iran-Contra-Gate »), devint le PDG du Hudson Institute. Daniels recrutait de nouveaux collaborateurs et experts, parmi eux William Eldridge Odom, l’ancien directeur de la National Security Agency (NSA).

 

Actuellement, le président et « Chief Executive Officer » du Hudson Institute s’appelle Kenneth R. (« Ken ») Weinstein. Il siège aussi au « Conseil des gouverneurs de l'audiovisuel » qui contrôle les médias de propagande « privés » US tels que : Voice of America, Radio Free Europe/Radio Liberty et Radio Free Asia qui a longtemps été dirigé par Thubten Norbu (Taktse Rinpoche, décédé en 2008), lama et frère aîné du 14ème dalaï-lama et représentant du dalaï-lama aux USA.

 

Parmi les très nombreux organismes et institutions qui contribuent au financement du Hudson Institude, la David H. Koch Foundation (Koch Family Foundations) mérite sans doute une attention particulière, de même que la firme Monsanto. Celle-ci a, par exemple, sponsorisé le livre d’un collaborateur du Hudson, Michael Fumento, qui tente de dénigrer l’agriculture traditionnelle et bio et porte aux nues les biotechnologies de son commanditaire.

 

Dernièrement, c’est l’attribution par le Hudson Institute de son « prix Herman Kahn » qui a fait couler de l’encre. Le personnage ainsi honoré fut Benjamin Netanyahu. Cela amena le site wn.com à commenter, sous le titre « Netanyahu reçoit le prix du Hudson Institute qui porte le nom du néo-conservateur qui a inspiré Docteur Folamour » : « Quand Bibi Netanyahu vient le mois prochain à New York pour l’Assemblée Générale de l’ONU, le Hudson Institute va lui remettre son prix Herman Kahn. Kahn était un intellectuel néoconservateur précoce qui préconisait l’emploi en premier des armes nucléaires. »

 

Les amis de Han Lianchao du McCain Institute et de la Prague Freedom Foundation

Le McCain Institute for International Leadership qui tient son nom du sénateur et ancien candidat républicain aux élections présidentielles John McCain, est un autre think-tank néo-conservateur de Washington. En 2015 il invita, en association avec la Prague Freedom Foundation, à son Freedom Symposium annuel sous le thème « La guerre de l’information : l’emploi de la propagande comme arme de la part de la Russie et de la Chine ». Nul doute qu’il y allait surtout du perfectionnement de la propagande US visant à promouvoir les intérêts de l’Empire américain. Sur la liste des intervenants, à côté du républicain Ed Royce, président du Comité des Affaires Étrangères de la Chambre des Représentants, de Kurt Volker, directeur du McCain Institute et ancien ambassadeur des États-Unis auprès de l’OTAN, et de l’ambassadeur tchèque aux États-Unis, Petr Gandalovič, figurait aussi… Han Lianchao, « dissident Chinois ».

 

Le McCain Institute a comme objectif déclaré la formation de « leaders internationaux » qu’il veut rendre capables de « prendre des décisions éclairées en faveur des intérêts américains et universels » (to make enlightened decisions in pursuit of the American and global interest). Parmi ses donateurs se trouvent Wal-Mart Stores et FedEx, mais aussi Paul E. Singer, propriétaire d’un fonds spéculatif (hedge fund) ainsi que l’Arabie saoudite.

 

Le Tchèque Petr Gandalovič est co-fondateur, ensemble avec Václav Klaus, du Parti démocratique civique (ODS, Občanská demokratická strana), le principal parti de la droite libérale tchèque auquel le Parti Conservateur britannique a servi de modèle.

 

Le républicain Royce a soutenu l’invasion de l’Afghanistan et de l’Iraq sous George W. Bush et voté à différentes reprises contre le retrait des troupes américaines. Royce a soutenu de même l’intervention de l’Arabie saoudite et de ses alliés au Yémen.

 

Kurt Volker est un ancien de la CIA.

On le voit bien : CIA, NSA, OTAN, Monsanto, Netanyahu, défenseurs de l’hégémonie US et des intérêts des multinationales américaines, partisans de l’usage en premier de l’arme nucléaire, faucons du Pentagone, fauteurs de guerres, financiers de l’intégrisme musulman et enfin le dalaï-lama – M. Han a bien su choisir son camp. Vu que l’actuel conseiller en chef de la Maison blanche prédit une guerre avec la Chine dans les dix ans à venir : est-ce que M. Han espère jouer un jour le rôle d’un Quisling chinois ? Il mériterait alors vraiment le surnom d’un Docteur Folambition.

 

Note :

  1. à lire sur le site de France-Tibet : http://www.tibet.fr/dossiers_speciaux/le-dalai-lama-adversaire-du-separatisme-point-de-vue-dun-intellectuel-chinois/

Le sénateur et ancien candidat à la présidence McCain et le dalai-lama
Le sénateur et ancien candidat à la présidence McCain et le dalai-lama

Han Lianchao parlant sur Voice of America (la
Han Lianchao parlant sur Voice of America (la "Voix de l'Amérique") en langue chinoise


Han Lianchao, invité du McCain Institute
Han Lianchao, invité du McCain Institute
 Herman Kahn alias
Herman Kahn alias "Docteur Folamour" avec le président Richard Nixon alias "Tricky Dicky"