Free Tibet contre foot chinois

par André Lacroix, 11 décembre 2017

Après un incident provoqué par des « supporters » tibétains lors d’un match de football le 25 novembre en Allemagne, la Chine a décidé de rapatrier sa sélection de jeunes joueurs, une Chine bien déterminée à briller sur la planète-football.

 

Des manifestants « Free Tibet » provoquent un incident lors d’un match de football (photo Keystone)
Des manifestants « Free Tibet » provoquent un incident lors d’un match de football (photo Keystone)

 

Les faits

Une sélection de footballers chinois de moins de 20 ans (les U20 comme on dit dans le jargon sportif) a été prise à partie par une demi-douzaine de manifestants des « Droits de l’Homme » qui ont déployé des « drapeaux tibétains » sur les gradins d’un stade de Mayence. La rencontre était télévisée en direct en Chine. Après 25 minutes d’interruption ꟷ et les drapeaux ayant été repliés ꟷ les joueurs sont revenus sur le terrain et la partie s’est poursuivie.

En raison de cet incident, la Fédération chinoise a décidé de rapatrier sa sélection et d’interrompre ainsi une tournée sportive qui aurait dû s’étaler sur plusieurs mois. Il était prévu, en effet, que les U20 chinois disputent un total de seize matchs amicaux contre des équipes allemandes de 4e niveau. Ces rencontres programmées jusqu’en mai étaient destinées à faire progresser l’équipe chinoise en vue des jeux olympiques de 2020 à Tokyo, où elle espère briller. « Il a été décidé de faire une pause dans ce projet », à déclaré en style diplomatique la porte-parole de la Fédération chinoise.

 

Pas un fait isolé

On se souvient de la vague d’hystérie collective antichinoise qui avait saisi le monde médiatique et politique français au printemps 2008 à la veille des Jeux Olympiques de Pékin. De pacifiques défenseurs de la « cause tibétaine » en étaient même arrivés, dans un élan de compassion, à brutaliser une athlète chinoise handicapée.

Depuis lors, les nationalistes tibétains ont compris le parti médiatique qu’ils pourraient tirer de la popularité du football, le sport le plus répandu sur la planète. C’est ainsi que les exilés ont fondé un « Dharamsala Football Club », appelé à participer à un championnat parallèle, indépendant de l’officielle Fédération Internationale de Football Association (FIFA). Voir : Foot et fantasmes)

Il n’est, bien sûr, pas question ici de décerner à la FIFA un brevet de respectabilité, quand on connaît les magouilles qui salissent cet organisme. Pas question d’ignorer les dérives mercantiles et communautaristes du football professionnel qui privilégient le spectacle au détriment de l’esprit sportif et qui provoquent parfois de regrettables scènes de violence. Mais ce n'est évidemment pas ces tares-là que visaient les quelques manifestants de Mayence, prêts à faire flèche de tout bois pour qu’on parle d’eux.

 

La fermeté chinoise

Dans un premier temps, il est d’ailleurs permis de se demander si, en rapatriant son équipe de jeunes footballers, la Chine n’a pas donné trop d’importance à une petite manifestation et transformé en incident diplomatique une tempête dans un verre d’eau. C’est peut-être vrai. Mais on peut aussi comprendre l’agacement des responsables chinois.

En prenant du recul, on doit bien constater que, du point de vue sportif et politique, l’incident de Mayence n’aura aucune conséquence. La fédération chinoise de football trouvera sûrement d’autres « sparring partners » pour ses jeunes recrues dans la perspective des JO de 2020, et plus encore dans la perspective de la Coupe du Monde 2022 dont la phase finale doit se jouer au Qatar. La Chine qui n’a pas réussi, pas plus que les États-Unis (!), à se qualifier pour l’édition de 2018 en Russie, est bien décidée à renverser la vapeur. Ayant compris que soft power et realpolitik ne sont pas contradictoires, elle va tout faire pour que son équipe nationale ne rate pas les prochains rendez-vous. Et on peut parier qu’elle y parviendra : quand on voit comment, dans d’autres domaines (politique, économique, social, environnemental), la Chine est capable de définir des objectifs à moyen et long terme et de les réaliser, les amateurs de ballon rond doivent s’attendre à ce qu’elle devienne une nation qui compte dans le domaine du football.

 

Que cela plaise ou non et quelles que soient les manifestations d’hostilité qui se déroulent sporadiquement dans le « monde libre » et qui ne sont que des gouttes d’eau sur un canard … laqué.