Tibet multiethnique

par Jean-Paul Desimpelaere, le 18 mars 2009

N'est-il pas absurde de vouloir interdire aux différentes populations d’un même pays de se mélanger?C’est pourtant ce que propose l’administration du 14ème dalaï-lama : « fermons les frontières du Grand Tibet et renvoyons chez eux ceux qui sont de trop » (1)

 

Des Tibétains vivent dans toutes les zones frontalières de la R.A.T., où ils se mélangent à d'autres ethnies. La plupart d'entre eux - 1,3 millions de Tibétains - se trouvent dans la partie occidentale du Kham qui, depuis la dynastie Qing, fait partie de la province du Sichuan. Vient ensuite la province de Qinghai avec 1,1 millions de Tibétains, puis le Yunnan avec 500,000 Tibétains, et enfin le Gansu avec 100.000 Tibétains. Si on additionne les Tibétains vivant en-dehors de la R.A.T., on arrive à un chiffre supérieur à celui en R.A.T.

La ville de Kangding, au Sichuan, est un bel exemple de population mixte. Le soir, toute la population danse ensemble sur la grande place de la ville. (photo JPDes. 2008)
La ville de Kangding, au Sichuan, est un bel exemple de population mixte. Le soir, toute la population danse ensemble sur la grande place de la ville.
(photo JPDes. 2008)

En 1987, le 14ème dalaï-lama déplorait devant le Congrès américain que 25 millions de Chinois vivent dans la province de l'Amdo (actuel Qinghai) pour seulement 750.000 Tibétains (2). Or l’actuelle province de Qinghai compte seulement 5 millions d’habitants au total, et presque tous les Tibétains d’Amdo vivent à l’intérieur de cette province, aussi bien maintenant que dans le passé. Alors, comment le 14ème dalaï-lama arrive-t-il à 25 millions ?

Sans doute fait-il allusion à une extension du territoire tibétain, « son Grand Tibet », avec la province du Qinghai qui s'allonge vers le nord et s'étend vers l'est. Dans ce cas, il n'est pas difficile d 'atteindre les 25 millions de personnes dont il parle, car ces régions sont habitées de millions de Han et d'autres ethnies depuis des siècles... une manière « subtile » de troubler les esprits, botte secrète du saint homme !

Récemment, la diversité des populations s’est accentuée en R.A.T. Ce ne sont pas uniquement les Chinois Han qui ont profité de la prospérité croissante. Différentes minorités, principalement originaires de la province de Yunnan, ont été enregistrées au Tibet. Les registres de la population montrent qu'actuellement le Tibet profite du mélange d’une quarantaine de groupes ethniques différents. Dans les villes, les Tibétains, les Han et les Hui restent naturellement majoritaires, en dehors des touristes japonais et chinois bien sûr. Mais le jours de marché, on peut voir des commerçants Miao du Guizhou, ou Bai du Yunnan.

La densité de la population au Tibet même est de deux personnes par km², et de quatre yacks par km². Même le territoire situé autour de la capitale de Lhassa ne comprend que quelques dizaines de personnes au km², ce qui est dix fois moins que la moyenne belge.

Le département de Lhassa, districts agricoles avoisinants compris, compte aujourd’hui presque un demi million d’habitants, ce qui est comparable à Anvers, mais sur une surface beaucoup plus vaste. La ville elle-même compte 300.000 personnes. En 1959, on n'en comptait que 25.000.

Les villes de la R.A.T. se sont développées beaucoup plus lentement que dans le reste de la Chine. En 1953, seulement une personne sur dix vivait en ville. Quarante ans plus tard, il en était toujours ainsi. C'est seulement durant cette dernière décennie que l'urbanisation s'est accélérée. Maintenant on voit davantage de Tibétains à Lhassa qu'il y dix ans, mais davantage de Hui aussi, commerçants pour la plupart, et davantage de Chinois Han, commerçants également. Mais il est vrai que le nombre de Han a augmenté plus rapidement que les autres groupes ethniques.

  1.  “memorandum on genuine autonomy for the Tibetan people”, ‘administration tibétaine en exil’, novembre 2008, website CTA.

  2. voir site de l' ICT (International Campaign for Tibet)