Lettre ouverte au président Bartolone quant à la non-question tibétaine

(cette lettre est également à lire sur « L’ŒIL GÉOPOLITIQUE » http://rchabaud.blogspot.be/)

par Raymond Chabaud, directeur de Asia-8-TV, le 1 janvier 2014

 

Monsieur le Président,

 

A l’occasion du dépôt d’une proposition d’une résolution soumise à l’Assemblée que vous présidez, certains Français découvrent avec inquiétude l’existence dans le cadre de l’Assemblée nationale d’un Groupe d’Études sur la Question du Tibet dont l’intitulé, en d’autres temps, aurait certainement créé un incident diplomatique.

Doit-on rappeler que nous fêterons cette année le cinquantième anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre la République française et la République populaire de Chine, et que cette reconnaissance a été sans ambiguïté : le Tibet fait partie du territoire national chinois. Autoriser ainsi un groupe de parlementaires à admettre qu’il y a une « question » du Tibet, revient à bafouer la position officielle de la France.

 

Que penseriez-vous, Monsieur le Président, si le Parlement chinois créait un groupe d’études sur la question du Pays basque ? Que penseriez-vous s’il émettait des résolutions pour rappeler que la création d’un département du Pays basque était inscrite dans les 101 propositions du candidat Mitterrand en 1981, proposition restée lettre morte alors qu’il ne s’agissait ni d’indépendance, ni même d’autonomie, mais seulement d’une modification administrative ne mettant pas en péril la République ? Vous penseriez, j’en suis certain, que les Chinois n’ont pas à se mêler de telles questions. Vous admettez pourtant qu’une quarantaine de parlementaires français puisse se mêler du statut du Tibet et y voient une « question ».

 

J’ajouterai que l’autoproclamé « gouvernement tibétain en exil » n’est reconnu par AUCUN gouvernement, même pas l’Inde qui, pourtant, le tolère à Dharamsala, et n’a donc aucune légitimité juridique. L’ONU, pour sa part, n’a jamais classé le Tibet dans les régions à décoloniser, ce qui n’est pas le cas de la Polynésie française dont les députés siègent dans votre hémicycle. Il est parfois bon que les donneurs de leçons regardent autour d’eux.

 

Il faut donc admettre que, en tant que Président de l’Assemblée nationale, vous trouvez normal et acceptez qu’une quarantaine de députés soumis à votre autorité battent en brèche les positions officielles de notre pays et de l’ONU et servent de caisse de résonance à une propagande dont tout un chacun sait qu’elle est financée par le National Endowment for Democracy, bras financier de la CIA. Pour certains, on sait qu’ils sont prêts à s’emparer de tout flûtiau permettant d’attirer l’attention sur leur petite personne. Pour d’autres, et notamment pour les députés appartenant à votre parti, je m’étonne que vous acceptiez que le mot « socialiste » soit agrégé à la défense d’une théocratie qui est une véritable injure au principe de laïcité. Pour ceux-là, pour les successeurs de Jean Jaurès et d’Émile Combes, un seul mot s’impose : « duplicité ».

 

En outre, comment ne pas se poser de questions lorsqu’on voit Monsieur Michel Destot, membre de ce groupe, être rapporteur d’une importante mission d’informations sur la Chine (rapport n° 1597 du 4 décembre 2013). L’objectivité de Monsieur Destot peut être mise en doute ainsi que la qualité des informations soumises à l’Assemblée nationale, d’autant que le Président de cette commission, Monsieur Martin-Lalande est également membre du même groupe.

 

Je n’ose espérer que vous me répondrez, le silence étant le meilleur étouffoir pour les questions délicates. J’imagine simplement que cette lettre sera diffusée le plus abondamment possible et qu’un mouvement plus large que ma modeste personne vous montrera que de nombreux Français partagent mon sentiment.

 

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma considération distinguée.