Les Verts et les Bruns

par Raymond Chabaud, le 21 février 2014

dans "L'oeil géopolitique"

Faut pas se tromper. A la tête de la plupart des organismes prétendant lutter pour les Tibétains, il y a des parlementaires verts, comme Noël Mamère, co-président du Groupe d’Etudes Parlementaires sur la Question du Tibet.

 

Ben oui, les Verts, qui se veulent de gauche, vont faire la bise à une Sainteté luttant pour rétablir une théocratie et une domination de caste, voire de classe. Bizarre ? Pas vraiment. Les Verts sont un petit parti. Ils s’affilient donc à tous les lobbys pouvant servir de caisse de résonance. Dans un gros tambour les trottinements de la souris prennent la puissance du pas de l’éléphant. Que ces lobbys soient financés par le NED, bras financier de la CIA, ne les gêne pas une minute. C’est normal. Ces Verts sont des Bruns et, sur le Tibet, le père spirituel de Noël Mamère est Hermann Goering.

Je vous explique.

Dès son arrivée au pouvoir, Hitler cherche à créer un axe Berlin-Tokyo. Pas facile. Au nord, c’est la Sibérie soviétique. Au sud, les Anglais sont les maîtres. Reste le centre, l’Asie centrale. C’est Goering qui imagine une ligne aérienne Berlin-Tokyo passant par l’Asie centrale via la Turquie.

Au cœur de l’Asie centrale, le Tibet. Les Allemands ont quelque connaissance des lieux. Le grand géographe prussien Ferdinand von Richthofen a un peu exploré la zone. Il a même créé un concept qui a eu du succès : « Seidenstrasse » (la Route de la Soie). Il suffit de poursuivre.

 

Pour ce faire, deux voies : la science et le sport. Sous ces déguisements, on peut aller voir ce qui se passe et nouer des liens. Pour la science, ce sera le géographe Sven Hedin, pour le sport, l’alpiniste Heinrich Harrer. Hedin doit repérer les lieux où la Lufthansa peut installer des aérodromes, Harrer doit nouer des contacts. Hedin est un élève de von Richthofen.

Suédois, il a soutenu les Nazis dès le départ. Hitler le comble d’honneurs, prévoyant même d’ouvrir à Munich un musée dédié à sa personne et à son œuvre. Harrer est un nazi de la première heure, membre de la SA. On est entre gens du même monde : Harrer épousera la fille d’Alfred Wegener, autre grand géographe de la mouvance Richthofen (tous les détails dans le magnifique livre de Georges Kish, Tibet au Cœur).


Les Italiens, de leur côté, ne sont pas inactifs. Le grand orientaliste du temps, c’est Giuseppe Tucci, assez proche du fascisme, au point d’aller faire des conférences au Japon sur la pureté raciale. Son élève favori, Fosco Maraini (auteur également d’un livre hagiographique,
Tibet Secret) enseigne au Japon pendant toute la guerre.

 

Pour tous ces intellectuels fascisants, le Tibet est une sorte de miracle. Les Tibétains, isolés dans leurs montagnes, sont un peuple pur, un peuple organisé, un peuple porteur des valeurs qui leur conviennent. Bien entendu, ils n’ont de contacts qu’avec la pointe de la pyramide. Harrer devient même l’ami intime du Dalaï-Lama. Ce sont leurs œuvres qui deviennent l’alpha et l’oméga de la pensée actuelle sur la civilisation tibétaine. Ils sont les pères spirituels des zélateurs actuels du Dalaï Lama. De Nuremberg à Dharamsala, la route a été tracée par l’Histoire.

 

On peut toujours hausser les épaules, les faits sont têtus. Il y a une réelle filiation intellectuelle, sinon idéologique, entre tous ces écrivains fascistes ou fascisants et les défenseurs actuels du Dalaï Lama. Mamère et Ricard sont profondément influencés par Hedin, Harrer, Tucci et leurs élèves.

 

Comme je suis gentil, je pense que c’est à leur corps défendant. Ils lisent Harrer ou Maraini sans connaître leur parcours. Parfois, ils ne veulent pas le connaître. C’est tellement confortable de fermer les yeux ! Et puis tout est mélangé. Tucci, Hedin, Maraini ont été de grands orientalistes. Ils ont beaucoup travaillé, beaucoup appris, beaucoup cherché. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

 

Mais, comme toujours, il faut chercher d’où vient l’argent. Quand Hitler finance Hedin ou que Mussolini aide Tucci, il ne faut pas imaginer que c’est gratuit. Sous l’argent qui coule, il y a une pensée politique, il y a une idéologie au travail. Comme aujourd’hui, avec le NED.

Que ces grands chercheurs aient été manipulés, on peut le penser. Mais il faut le savoir, être capable de faire le tri. Et prendre ses distances avec les aspects les plus dangereux qui sont toujours les mêmes : la religion et la main-mise d’une caste sur un peuple.

 

On en reparlera