De "La loi du silence" aux prélèvements d'ADN, il n'y a qu'un saut médiatique

par Elisabeth Martens, le 21 septembre 2022

Suite au documentaire « Bouddhisme, la loi du silence » diffusé sur ARTE début septembre, plusieurs périodiques ont voulu redresser la barre en attaquant la Chine sur un sujet très "touchy" des « Droits de l'homme ». Ils ont ressorti l'affaire des prélèvements d'ADN par les forces de police chinoises (voir : La Libre Belgique, Le Monde, TF1, Epochtimes, Courrier International, Nexus.fr, Businessam.be, etc.).

 

La diffusion par ARTE du documentaire « Bouddhisme, la loi du silence » a été une surprise pour la majorité des spectateurs de la chaîne franco-allemande. Tout d'abord parce qu'ARTE les a habitués à des positions relativement sinophobes et, du coup, dans la tête de beaucoup d'entre eux, ARTE est aussi pro-bouddhiste. D'ailleurs, de grandes personnalités du bouddhisme tibétain, comme le dalaï-lama ou Matthieu Ricard, ont été invitées plusieurs fois sur les plateaux de la chaîne. Les retrouver dans ce documentaire sous leur jour parfaitement hypocrite remet quelques pendules à l'heure !

Et puis, surtout, le contenu du documentaire a secoué l'opinion du public occidental qui était loin d'imaginer que de telles dérives sexuelles et financières puissent également se produire au sein d'une institution bouddhiste, ce que nous avons dénoncé depuis longtemps (voir quelques exemples ci-dessous). Elles sont absolument contraires aux principes bouddhistes de compassion, de tolérance, de partage, etc. Le cœur des fidèles bouddhistes occidentaux a dû se resserrer sous le choc de telles révélations.

Les journalistes Élodie Emery et Wandrille Lanos ont mis dix ans à réaliser ce documentaire en multipliant les enquêtes au sein de communautés bouddhistes situées en Belgique, en France et ailleurs. Les fruits pourris ont commencé à tomber de l'arbre !... et ce n'est qu'un début car, contrairement à ce qu'en dit le responsable de l'Union bouddhiste française, les dérives sexuelles sont bien inscrites dans le système tantrique (le bouddhisme pratiqué au Tibet) : il suffit de se référer notamment au tantra de Kalachakra, le tantra préféré du dalaï-lama.

 

Certains journalistes ont dû penser que la « loi du silence » a envoyé trop "d'ondes négatives", que le bouddhisme tibétain en est sorti détrôné, sali, dégradé. Se sont-ils sentis obligés de redresser la barre ?... surtout dans le contexte actuel où les deux puissances mondiales, États-Unis et Chine, se disputent des alliances économiques et stratégiques au sein de l'UE et de l'Asie.

Dès l'annonce de la sortie du documentaire sur ARTE, plusieurs périodiques ont soudainement ressorti de leurs tiroirs l'affaire des prélèvements d'ADN ordonnés par le gouvernement chinois, un dossier chaud, mais qui est loin d'être nouveau.

« La police chinoise collecte actuellement des échantillons sanguins d’individus masculins, majeurs et mineurs, dans tout le pays, dans le but de constituer une carte génétique de 700 millions de Chinois, donnant ainsi aux autorités un nouvel outil puissant d’élaboration de leur État de surveillance de haute technologie », annonce le "très sérieux" « Courrier International ». On peut noter que les enquêtes sur lesquelles se base le journal sont menées par l’organisation Human Rights Watch (HRW) dont fait état le site Nikkei Asia, largement pro-occidental.

La Chine a commencé ces prélèvements en 2003. Pendant plusieurs années, elle s'est "contentée" d'effectuer ces prélèvements sur des délinquants à des fins de sécurité publique. Elle n'a pas le monopole de ce genre de procédés, elle a suivi l'exemple des pays "développés", des pays "démocratiques", véritables "champions" des droits de l'homme !

Au début des années 2010, il est vrai, le gouvernement chinois a renforcé ses contrôles au sein des minorités ethniques, à commencer par les Tibétains. Faut-il rappeler que deux années plus tôt, en mars 2008, Lhassa a connu des émeutes extrêmement violentes dans lesquelles des Tibétains ont fait la chasse aux Chinois han et aux Hui musulmans ? Des témoins ont vu des Tibétains, encouragés par des lamas, tuer des Han et des Hui à coups de machette.

http://www.tibetdoc.org/index.php/politique/conflits/387-5-questions-a-propos-du-soulevement-au-tibet

Pourtant, il a été démontré que le soulèvement de Lhassa en mars 2008 a été fomenté depuis l'Inde et les États-Unis. On comprend dès lors que le gouvernement chinois tente de prévenir ce genre de débordement, fût-ce par un prélèvement d'ADN ? http://www.tibetdoc.org/index.php/politique/geopolitique/671-nancy-pelosi-les-positions-sinophobes-d-une-grande-amie-du-dalai-lama

Une nouvelle attaque médiatique au sujet des prélèvements d'ADN par la Chine eut lieu en 2017. C'était en plein paroxysme de "l'affaire des Ouïghours" dont on sait maintenant qu'il s'agit d'un des nombreux mensonges du siècle. Tout comme pour le Tibet, le « génocide », le « travail forcé », les « stérilisations forcées », etc., ont été inventés de toutes pièces. Pour le Xinjiang, ce fut le travail d'Adrian Zenz, un évangéliste de la secte ”Born again” qui pense que dans sa dénonciation du communisme chinois, il est guidé par la main de Dieu.

http://www.tibetdoc.org/index.php/politique/ouighours-et-tibetains/635-ouighours-un-pave-made-in-usa-dans-la-mare

Pourtant, suite à sa visite dans la région du Xinjiang en mai dernier, la Haut-Commissaire aux droits de l'Homme, Madame Bachelet, a souligné que des discussions larges et ouvertes ont pu se tenir avec des personnes de différents secteurs de la région, y compris des prisonniers et d'anciens stagiaires de centres d'enseignement et de formation professionnels, et que toutes ces réunions étaient « non supervisées. » Sa déclaration a rejeté toutes les « infox » sur la région du Xinjiang ; elle a également été une gifle pour les États-Unis et certains pays occidentaux, pour leurs médias et leurs forces antichinoises.

http://www.tibetdoc.org/index.php/politique/ouighours-et-tibetains/666-une-visite-non-supervisee-et-ouverte-au-xinjiang-pour-la-commissaire-aux-droits-de-l-homme-de-l-onu

Comme par hasard, les médias occidentaux ont profité de la sinophobie distillée par Washington et Bruxelles à propos des Ouïghours pour remettre sur le tapis le sujet très "touchy" du prélèvement d'ADN... cette fois, les forces de police chinoises opéraient dans la région du Xinjiang, of course !

https://www.courrierinternational.com/article/chine-les-habitants-du-xinjiang-fiches-par-leur-adn

Ces prélèvements sont opérés dans toute la Chine, ce qui indique que les Tibétains et les Ouïghours ne sont pas, comme on essaie de le faire croire, victimes d’oppression en tant que membres d‘une minorité ethnique. Je cite le Courrier International : « Selon une nouvelle étude publiée le 17 juin par l’Institut australien de politique stratégique (Australian Strategic Policy Institute), étude fondée sur des documents également consultés par notre journal, dans toute la Chine, depuis fin 2017, la police s’affaire à collecter des échantillons. Le but : les acquérir en nombre suffisant pour construire une gigantesque base de données ADN qui permettra aux autorités de retrouver tous les proches de sexe masculin d’un individu grâce au sang, à la salive ou à un autre matériel génétique prélevés sur lui. »

https://www.courrierinternational.com/article/enquete-collecter-ladn-de-la-population-nouvelle-etape-dans-la-surveillance-en-chine

 

 

Une telle base de données récoltées à l’échelle d’une nation ne peut-elle constituer une atteinte à la vie privée et inciter les autorités à sanctionner les proches de dissidents ou de militants ? On peut bien sûr se poser la question.

On peut aussi se poser la question si ce genre de database n'existe pas dans nos pays "civilisés". Nous avons l’infrastructure nécessaire : c’est une société américaine, Thermo Fisher, qui est venue en aide à la Chine dans ce domaine. Cette entreprise du Massachusetts vend des kits de tests spécialement conçus pour les besoins de la police chinoise. Cela lui a d’ailleurs valu les critiques de certains députés américains, mais la société a défendu son droit de mener ce genre d’activités : les États-Unis sont un pays libre, n'est-il pas ?

La police chinoise affirme que les personnes sont consentantes pour partager leur ADN, mais les défenseurs occidentaux des droits de l’homme considèrent que cette collecte de données s’effectue sans le consentement des intéressés puisque les citoyens d’un État "autoritaire" n’ont pas vraiment le droit de refuser. Certes, nous sommes beaucoup mieux lotis que les Chinois: dans nos pays libres, nous avons le droit de dénoncer, de refuser, de manifester. Mais que savons-nous réellement des intentions de nos dirigeants ?

Sommes-nous certains que ce genre de collecte d'ADN ne se passe pas aussi chez nous ? En tous cas, nous sommes surveillés à tous moments, via les caméras, mais aussi via l'Intelligence Artificielle. Exemple : il suffit que je parle de la recette des poires au vinaigre que faisait ma grand-mère pour recevoir dans mes mails des avis du Marmiton, ou si j'ose parler à mon voisin de mes potirons qui cette année sont bien maigrichons, je reçois de la pub de « Conseils au jardin », etc.

J'en conviens, la comparaison est faible : le prélèvement d’informations via internet, ce n’est pas un prélèvement d’ADN. Mais je ne peux m'empêcher de penser que l'hypocrisie de nos eurocrates est suffisante pour dénoncer le voisin et taire ce que nous pratiquons nous-même.

Quelques exemples de nos textes à propos des abus sexuels, manipulations mentales et détournements de fonds dans le bouddhisme tibétain :

  • dans le livre d’Albert Ettinger, Tibet, Paradis perdu ?, chapitre 18 intitulé : « Abus sexuels et fantasmes d’omnipotence masculine » (pp 175-195
  • dans le livre d'André Lacroix, Dharamsalades, chapitre « Silences et omerta », sous-chapitre « Les scandales sexuels » (pp. 38-39)
  • dans le livre d'Elisabeth Martens, Histoire du Bouddhisme tibétain, ss-ch. "La petite porte du fond, voie douteuse vers la Réalisation" (pp.125-126), ss-ch. "le marketing du bouddhisme tibétain" (pp. 257-262)
  • dans le livre d'Elisabeth Martens, La méditation de pleine conscience, l'envers du décor, dans le chapitre "Néobouddhisme et pleine conscience" (pp. 139-144), dans le chapitre "La pleine conscience au chevet du capitalisme", (pp180-184)
  • articles sur tibetdoc.org :

-http://www.tibetdoc.org/index.php/religion/bouddhisme-tibetain-dans-le-monde/110-abus-sexuels-et-bouddhisme-tibetain

-http://www.tibetdoc.org/index.php/religion/bouddhisme-tibetain-dans-le-monde/106-un-avis-sur-le-livre-les-devots-du-bouddhisme-de-marion-dapsance

-http://www.tibetdoc.org/index.php/religion/bouddhisme-tibetain-dans-le-monde/368-quand-la-foi-devient-mauvaise-foi-meme-dans-le-bouddhisme

-http://www.tibetdoc.org/index.php/religion/bouddhisme-tibetain-dans-le-monde/367-l-aura-des-centres-rigpa-du-bouddhisme-tibetain-fremit

-http://www.tibetdoc.org/index.php/religion/bouddhisme-tibetain-dans-le-monde/421-encore-un-moine-bouddhiste-accuse-de-comportements-deviants

-http://www.tibetdoc.org/index.php/religion/bouddhisme-tibetain-dans-le-monde/444-un-lama-abusif-devant-une-cour-d-appel

-http://www.tibetdoc.org/index.php/religion/bouddhisme-tibetain-dans-le-monde/464-bouddhisme-et-deviances-sexuelles-le-dalai-lama-savait

-http://www.tibetdoc.org/index.php/religion/bouddhisme-tibetain-dans-le-monde/544-les-dakinis-maitresses-secretes-des-lamas-tibetains

-http://www.tibetdoc.org/index.php/religion/bouddhisme-tibetain-dans-le-monde/678-une-vision-idealisee-du-bouddhisme-porte-ouverte-aux-derives